Europe

Vladimir Poutine, Président jusqu’en 2036: Vote ou matraquage?

Lors d’un référendum qui prend fin ce mercredi 30 juin , les Russes auraient déjà massivement voté en faveur des changements inédits à la Constitution du pays, selon les résultats préliminaires. La nouvelle loi permettra vraisemblablement à Vladimir Poutine de rester au pouvoir jusqu’en 2036.
Les Russes comprennent très bien qu’il faut changer le président un jour, mais pas tous les cinq ans, peut-être chaque décennie, oui. Mais il est hors de question de changer le commandant en chef alors que nous sommes en guerre.(Sergey Markov, commentateur politique).

Des valeurs conservatrices enchâssées dans la Constitution
En vertu de la Constitution révisée, les mandats passés de Vladimir Poutine seront remis à zéro pour qu’il puisse en solliciter deux autres. Parmi les autres changements prévus, on trouve : enchâsser la foi en Dieu comme valeur fondamentale de la nation russe; interdire le mariage aux couples homosexuels; garantir l’indexation des régimes de retraite;
élargir les pouvoirs du président pour lui permettre de nommer ou limoger des juges.

Pour encourager les gens à voter, le Kremlin a ajouté des changements sociaux dans sa réforme, dit le commentateur politique Sergey Markov, un proche du Kremlin, dont le discours reflète celui de la télévision d’État.

Poutine s’affiche ainsi comme le grand rassembleur du peuple, le père conservateur de la nation et le seul bouclier capable de défendre la Russie des hostilités externes. Selon lui, la décision Vladimir Poutine de quitter ou pas le pouvoir dépendra de l’état des relations de la Russie avec le reste du monde. Si les États-Unis et l’Union européenne continuent de mener une guerre hybride à la Russie, Poutine devra rester, soutient l’analyste. Autrement dit, « Poutine partira quand l’Occident cessera d’y rêver », nargue Sergey Markov, le sourire en coin.

Dans une entrevue télévisée, Poutine a même expliqué qu’il lui faut cette option de rester à la tête de la Russie, car désigner son successeur, avance-t-il, serait une menace à la stabilité du pays.
 
“Sinon, je sais exactement ce qui va arriver parce qu’on l’a déjà vu. Tous les yeux seront tournés vers un potentiel successeur, c’est contre-productif. Il faut travailler, pas chercher un remplaçant “, a déclaré le président.
Le Kremlin s’est engagé à respecter la volonté du peuple advenant que le non l’emporte au référendum. Mais le risque d’une défaite est quasi impossible, puisque les changements proposés ont déjà été adoptés et le texte modifié de la Constitution est déjà en vente dans plusieurs librairies de Moscou et de Saint-Pétersbourg.

En vertu des sondages préliminaires menés à la sortie des bureaux de vote lundi, 76 % des électeurs auraient voté oui aux changements proposés.
Commencé jeudi dernier, le scrutin a été étalé sur plusieurs jours pour permettre la distanciation physique chez les électeurs, à qui l’État a promis des cadeaux et même la possibilité de gagner des voitures et des appartements.

Si Vladimir Poutine a pu bénéficier pendant des années d’un taux d’approbation de plus de 80 %, c’était grâce, entre autres, à la croissance économique qu’a connue le pays, selon lui, mais c’est maintenant du passé. La Russie traverse depuis des années une période d’inertie selon le journaliste russe, Dmitry Glukhovsky.

« Mais pour la majorité des Russes, la seule façon d’interagir avec l’État c’est d’en éviter tout contact, les gens savent qu’ils n’ont pas le pouvoir d’influencer les décisions. Ils perçoivent les élections et les votes populaires comme un exercice de loyauté pour lesquels il seront récompensés d’une façon ou d’une autre », poursuit M. Glukhovsky.

Au niveau de la population , les idées sont partagées.

« Poutine sera là pour encore deux décennies et c’est néfaste pour notre génération », dit Valeria, 30 ans. La jeune femme explique surtout craindre l’impact sur le système judiciaire du pays. « C’est mauvais, très mauvais », dit-elle, les yeux rivés vers le soleil qui commence tranquillement à se fondre dans le golfe de Finlande.

Si Saint-Pétersbourg a été fondée et construite comme fenêtre sur l’Occident, l’Europe pourtant si proche n’a jamais paru si loin pour ces jeunes qui devront vivre avec les nouvelles lois de l’État.

« Nous reculons vers les années le plus grosses de l’Union soviétique », dit le restaurateur Alexander Zatulivetrov. Il avait six restaurants avant la pandémie, mais a dû en fermer deux, faute de soutien du gouvernement. Il dénonce l’insouciance du Kremlin et craint de voir la Russie de plus en plus isolée.
En dix ans on a perdu ce que nous avions acquis à la fin, tous nos rêves et nos aspirations, notre liberté, le peu de démocratie que nous avions… on s’est refermés sur nous-mêmes.

Le monde ne nous respecte plus et la Russie fait tout pour ne pas être respectée du reste du monde. C’est le règne de la peur, a déclaré le restaurateur, Alexander Zatulivetrov.
Ramon et Anna voient les choses différemment.

De leur paisible campagne, ils se rappellent tous les deux ce que tout changement radical peut entraîner comme conséquences.
« Nous avons vécu le soviétisme, nous avons connu la Perestroïka », lance Anna. « On en a vu des présidents de notre vécu. Brejnev, Gorbachev, Eltsine, ajoute son mari, et pour vous dire franchement, ils étaient une honte pour notre pays. »

De toute façon, il n’y a pas d’alternative à l’horizon! Quant à moi, c’est déjà un miracle que Vladimir Poutine soit notre président, que Dieu le bénisse, déclare Ramon Gonzales.

En somme, Vladimir Poutine pourrait rester au pouvoir jusqu’en 2036. Le Parlement russe, rappelons le, a autorisé le président à se représenter en 2024, sous réserve d’un feu vert de la Cour constitutionnelle et de l’approbation du peuple.

Un dossier à suivre.

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