Éditorial

Éditorial | 7 février 2023, en Haïti, c’est le vide dans le vide institutionnel

(TripFoumi Enfo) – Du chaos, encore du chaos ! Haïti est devenue une scène de violence, un film d’horreur. Ici, la politique est sens dessus dessous. Depuis longtemps, nous pratiquons la politique du dos-à-dos. Dans le cœur des Haïtiens, 7 février est une date emblématique. Elle charrie les espoirs les plus fous. Rappelons, en 1986, le président à vie d’Haïti, Jean-Claude Duvalier, a été renversé. Ce jour-là, le peuple chantait dans les rues : « Ayiti libere, dezyèm endepandans ». Le pays le plus pauvre du continent américain respirait enfin. Tout le monde s’embrassait. Beaucoup disait que L’économie ne sera plus comme avant. La gabegie administrative, le luxe, le faste de l’État ne seront qu’un mauvais rêve. Plus de 28 ans de dictature ! Ça devrait marquer un peuple dans la peau.

Plus d’un an depuis l’assassinat du chef d’État haïtien ; quoi qu’impopulaire et accusé de dérives autoritaires, un homme d’Etat a été assassiné en sa résidence. Cette mort combien crapuleuse a suscité le choc auprès des habitants et plongé le pays le plus pauvre de la Caraïbe dans une crise de gouvernance, un vide institutionnel. Nommé seulement deux jours avant l’assassinat du président Jovenel Moïse, et sans même avoir eu le temps d’être formellement investi dans ses fonctions, Ariel Henry a, de facto, pris la direction du pays avec un criant déficit de légitimité.

Dans un tweet, Les États-Unis ont affirmé que le Premier ministre haïtien, Ariel Henry, pouvait se maintenir au-delà du 7 février, alors que ses opposants exigeaient déjà son départ du pouvoir. « D’un point de vue juridique, le mandat du Premier ministre n’est pas lié à celui du mandat du président », déclarait le haut diplomate américain, Brian Nichols. « Je ne pense pas que les Haïtiens soient obsédés ou focalisés sur la date du 7 février », avait-il ajouté lors d’un échange avec la presse, à l’issue d’une réunion internationale organisée en ligne par le Canada, pour discuter de la crise haïtienne.

La pire situation qui pourrait arriver au pays après l’insécurité, est cette peine à rassembler la classe politique. Si la présence de Jovenel Moïse était le problème et que les solutions seraient beaucoup plus faciles sans lui. Aujourd’hui Jovenel n’est plus de ce monde, mais toujours pas de réponse, et pas de président au pouvoir, si ce n’est qu’un Premier ministre comme le seul coq dans la basse cour. « Le 7 février ne marque pas la fin du mandat du gouvernement qui a la responsabilité d’organiser des élections libres et démocratiques », déclarait Ariel Henry l’année dernière sur Twitter. « Le prochain locataire du Palais national sera un président élu librement par l’ensemble du peuple haïtien », mais hélas, il semble que les élections ne soient pas pour demain ni les mois prochains.

Le Premier ministre de transition, Ariel Henry, et seul chef suprême du pays, a justifié son maintien au pouvoir, en profitant d’un vide juridique et législatif pour asseoir son pouvoir. À cette date, il a déjà bouclé deux années supplémentaires après la fin constitutionnelle du mandat, ce 7 février 2023. C’est une impasse. On est face à une crise politique très forte avec un blocage institutionnel important et un Premier ministre de transition dont le reste de légitimité a disparu. Il est à la tête d’un gouvernement illégitime et discrédité, mais il refuse de quitter le pouvoir. 

De nombreuses propositions de sortie de crise ont été présentées. Parmi les principales figure l’Accord politique pour une gouvernance apaisée et efficace, signé le 11 septembre 2021, par le Premier ministre de facto, Ariel Henry, et une frange de l’ancienne opposition. Ce document, publié dans le journal officiel Le Moniteur, est considéré par les signataires comme le fondement de l’actuel gouvernement.

Il y a également le Protocole d’Entente Nationale (PEN) (9 juillet 2021), porté par d’autres secteurs d’opposition et l’Accord de Montana (30 aout 2021), une initiative de la société civile rejointe par des partis politiques. L’Accord de Montana, qui prône une « transition de rupture » dirigée par un pouvoir bicéphale, est qu’il prévoit un processus électoral au second degré. En parallèle se tient le Sommet de l’unité haïtienne en Louisiane (États-Unis, 14-17 janvier 2022), une initiative de certaines organisations de la diaspora, qui s’est proposée de synthétiser toutes les propositions afin de parvenir à un accord unique.

L’absence de l’autorité de l’État se fait ressentir de jour en jours. Aujourd’hui, Haïti est dans une impasse politique, au moment où nous parlons les gangs armés sèment la terreur en multipliant notamment les enlèvements dans la capitale et ses environs. L’institution policière est décriée et ne semble avoir aucun contrôle sur les policiers après avoir lamentablement assisté à la mort de plus d’une quinzaine d’entre eux seulement au mois de janvier. Pour citer encore le PM Ariel Henry : « Le temps n’est pas aux querelles de chapelle, ni aux luttes fratricides pour la conquête d’un pouvoir éphémère. Dans cette conjoncture difficile, nous ne pouvons pas nous engager dans le jeu de chaise musicale à la tête de l’État ». Bien que les propos du Premier ministre de facto suscitent des interrogations, lui dont la présence au timon des affaires, depuis le 20 juillet 2021, est considérée, pour le moins, irrégulière.

On parle d’accord, de désaccord, et de préaccord, mais le peuple ne peut encore attendre pour trouver une solution à l’insécurité et cette crise de la faim. Si autrefois le 7 février était considéré comme une date historique, mythique, symbolique. Aujourd’hui on s’en fout royalement. Une date combien importante dans l’histoire du pays. Le pays n’a pas de dirigeants donc n’est pas dirigé, il existe que des digérés qui digèrent le peu de ressources que le pays possède. C’est triste de voir la première des nations noires indépendantes devenue la dernière d’un continent.

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