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Décédez et vous serez traités en Héros

(TripFoumi Enfo) – Dans la matinée de 7 juillet 2021, les médias traditionnels et en ligne parlaient tous d’une seule nouvelle : Jovenel Moïse, Président de la République d’Haïti, vient d’être assassiné dans sa résidence privée à Pèlerin 5, commune de Pétion-Ville – par un commando armé étranger qui avait dupé les agents de sécurité présidentielle en se faisant passer pour des agents de la DEA. On parlait aussi de Martine Moïse, première dame de la république, touchée de plusieurs projectiles au cours de cette attaque.

Quoique contesté par la majeure partie de la population haïtienne à la tête du pays, personne n’avait souhaité en arriver là – à part les auteurs matériels et intellectuels de son exécution bien entendu. C’est à cet égard que l’on dit que la mort d’une personne n’est jamais une bonne nouvelle. Hormis un président de la République. C’est avant tout une perte pour l’humanité. Sauf que ce qui est morale pour les uns ne l’est pas forcément pour les autres – puisqu’il n y pas vraiment une morale qui soit universelle. Un véritable débat. Passons.

En outre, c’est quand même paradoxal que des gens qui n’avaient jamais pipé mots quand des innocents tombaient par centaines sous la pluie des balles assassines des bandits s’affolent parallèlement à un tel point que l’on pouvait croire que le phénomène de l’insécurité avait tout juste commencé le 7 juillet 2021 avec la nouvelle de l’assassinat de Jovenel Moïse. À juste titre, celui-ci a été victime d’un phénomène qu’il n’avait jamais pris le soin de stopper. Il avait de préférence priorisé les élections et le référendum constitutionnel. En voilà le résultat. C’est ce qu’on appelle “L’effet domino”.

Quand on pense à Grégory Saint Hilaire qui a été tué par un agent de la sécurité présidentielle de Jovenel Moïse à l’intérieur même de sa faculté ; quand on pense à cette infirmière qui a été tuée sur le siège avant de cette ambulance qui tentait de sauver la vie d’un patient malade sur la route de Martissant ; quand on pense à tous ces innocents victimes de la machine infernale de l’insécurité sous la présidence de Jovenel Moïse, c’est absurde de croire que la mort d’un homme peut blanchir et effacer son passé teinté de sang. Car, comment ne pas l’imputer ces responsabilités quand on sait qu’il a été le seul à être au commande de l’administration publique. Après tout, c’est lui « l’après Dieu », le puissant.

Sur la toile, certains ont même osé comparer les visions de Dessalines avec celles de Jovenel Moïse. Depuis quand ce président avait été si progressiste ? Depuis quand Jovenel Moïse avait mis de la nourriture dans les assiettes des plus affamés, comme il l’avait promis ? On sait que la mort attire toujours les plus belles des sympathies. Les unes plus sincères que les autres. Tout dépend du défunt. Mais comparer le président Jovenel Moïse au père fondateur de l’indépendance haïtienne, c’est assassiné Dessalines pour une seconde fois en souillant sa mémoire.

Petite piqûre de rappelle : c’est au cours de la Présidence de Jovenel Moïse que les gangs se sont fédérés pour la première fois, sur la recommandation d’une autorité étatique surtout ; c’est au cours de la Présidence de Jovenel Moïse que des mercenaires ont été dépêchés sur le territoire national pour fusiller ceux qui osent gagner les rues pour exiger à l’État une meilleure condition de vie ; c’est au cours du règne de Jovenel Moïse que le pays a connu tous ces massacres et ces victimes par balles ; c’est au cours de la Présidence de Jovenel Moïse que tous ces quartiers sont contrôlés par des bandits armés, aussi longtemps de surcroît…

Alors, quand on va jusqu’à dire que Jovenel Moïse a été tué pour avoir voulu combattre le système, l’insécurité, les bourgeois anti-progressistes, « koulèv 7 tèt la », l’inflation, la dépréciation de la gourde par rapport au dollar américain… on peut se demander de quel Jovenel parle t-on ? Depuis son arrivée au pouvoir, lesquelles de ses promesses avait-il concrétisées ? Que dalle. Que les sympathies continuent ! La courtoisie oblige. Mais une mouche ne deviendra jamais un oiseau même quand il est décédé.

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