Opinion

Haïti, un pays habitué aux crises par Marie Phara Ambroise

Haïti a été la première nation noire à proclamer son indépendance. C’était en 1804, après le triomphe d’une longue et sans précédent révolution des esclaves contre les colonisateurs français. Cependant, bien qu’il soit un pays pionnier à bien des égards, il n’a jamais été en mesure d’établir un État pleinement opérationnel et une économie fonctionnelle.

Le Produit Interne Brut par habitant est un très bon indicateur du niveau de vie, et dans le cas d’Haïti, en 2019, avec un Produit intérieur brut (PIB) par haïtien de 854 dollars, il se classe à la 20e place des nations les plus pauvres sur la terre. Selon la Banque mondiale, 58.5 % de la population vivait dans la pauvreté en 2012.

Le XXe siècle a été marqué par la dictature insensée de François Papa Doc Duvalier et de son fils Jean-Claude Baby Doc, qui a pris le contrôle de l’État entre 1957 et 1986. Il s’en est suivi une longue succession de gouvernements démocratiques, interrompue par des coups d’État militaires. Ce n’est qu’avec l’arrivée de René Préval à la présidence en 2006 qu’une période de 13 année consécutive de démocratie a commencé. Michel Martelly a succédé à Préval en 2011 et Jovenel Moïse a succédé en 2017, après un gouvernement provisoire en 2016.

Au milieu de cette période de calme politique relatif, il a subi la pire catastrophe de son histoire. Le mardi 12 janvier 2010, un tremblement de terre de magnitude 7 a provoqué l’effondrement de la moitié ouest de l’île d’Hispaniola. Environ 300 000 victimes et 1,2 million de sans-abri.(2)
Des centaines de milliers de personnes ont été transférées dans des camps de fortune , beaucoup y sont toujours installés et Port-au-Prince a été partiellement détruite. Dès lors, le pays est entré dans un cercle vicieux de dépendance à l’égard de l’aide humanitaire fournie par la communauté internationale, qui a également dû envoyer des missions de maintien de la paix successives pour établir un certain ordre au milieu du chaos.
Dans ce contexte, une étincelle suffit pour que tout explose. L’affaire du pétrole subventionné par le Venezuela a provoqué des pénuries de carburant, qui ont à leur tour provoqué des coupures de courant importantes. L’économie a accéléré sa détérioration.

Partout on entend des cris qui traversent les rues de Port-au-Prince, “Où est l’argent Petrocaribe ? ”, les jeunes Cherchent à trouver la lumière sur la gestion calamiteuse, sinon même frauduleuse de plus 2 milliards de dollars prêtés par le Venezuela pendant la décennie 2008-2018.(3)

Le Premier ministre de l’époque, Jack Guy Lafontant, a tenté d’augmenter le prix de l’essence en juillet 2018. Mais il a déclenché une série de protestations et d’émeutes, qui se sont soldées par plusieurs morts, et l’ont forcé à démissionner. C’était le prélude à la crise actuelle.

Jusqu’à date, le silence assourdissant des autorités, ni le gouvernement ni la présidence n’ont fait lumière sur ce dossier. Cependant, lutter contre la corruption avait été désignée comme la priorité numéro un durant la campagne électorale du président. Cela nous obligerait à penser que le président de la république Jovenel Moise, quand il était homme d’affaires a obtenu des fonds de Petrocaribe par son entreprise Agritrans, une probable compagnie de production bananière. Cette entreprise a été chargée de réhabiliter un tronçon de route. Et l’investigation réalisée de la gestion de ce projet, nous montre zone d’ombre. La Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif indique sobrement une absence de contrat et il y a aussi une « confusion » quant à la devise utilisée dans les factures d’Agritrans, entre dollars américains et gourdes haïtiennes. Mais pour ce cas, ô combien politique, les juges ont préféré dire que l’absence de contrat « ne permettait pas à la cour de tirer des conclusions objectives ».(4)

Sans le soutien populaire, les dirigeants d’Haïti gouvernent à travers un système de patronage, qui détourne les ressources publiques vers ceux qui les soutiennent. Cela a causé des problèmes économiques majeurs : déficits budgétaires records, inflation à deux chiffres depuis des années et dévaluation pendant des années a 50 % la gourde, la monnaie locale.

Des millions de personnes au bord du désespoir sont tombées de la falaise. Le chômage, une marginalisation politique et sociale, et un accès limité aux services. C’est le résultat de décennies de la pauvreté, les inégalités et l’atteinte aux droits humains par les élites haïtiennes et la communauté internationale.

Référence

  1. 20e : Haïti, 854 dollars de PIB par habitant [Internet]. [cited 2020 Mar 19]
  2. ​Rude S, Rude S. Séisme d ’ Haïti : l ’urgence en plein chaos Séisme d ’ Haïti : l ’ urgence en plein chaos. 2019;
  3. Affaire Petrocaribe: le gouvernement d’Haïti porte plainte [Internet]. [cited 2020 Mar 19].
  4. ​Fonds Petrocaribe: le rapport édifiant de la Cour Supérieure des Comptes[Internet]. [cited 2020 Mar 19]

Marie Phara Ambroise
Médecin en service social de L’université de Quintana roo, psychologue, Représentante de l’Initiative des femmes haïtiennes dans le tourisme (IFTH) au Mexique

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