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Carnage à Croix-des-Bouquets : Quid de ces 3 chauffeurs de taxi-moto dont l’histoire ne connaîtra peut-être jamais les noms ?

(TripFoumi Enfo) – Dans la matinée du samedi 20 août, au moins 8 personnes ont été tuées, parmi lesquelles, trois membres d’une même famille, brûlés à l’intérieur de leur véhicule. Cette affaire, comme tant d’autres avant elle, a sali la mémoire d’un peuple parti de loin, dont les pères combattirent corps et âme, offrirent à l’inconnu, du moins, au dieu de la liberté, leur sang pour vivre leur humanité. Un crime qui a révolté au plus haut point la population haïtienne. Des parents, des frères, des sœurs, des amis, des inconnus… Nous sommes légion à nous indigner, impuissants, nous ne faisons que pleurer, pour certains, espérer, pour d’autres.

Nombreuses sont les raisons pour lesquelles les différents médias ne parlent que de cette famille anéantie, désintégrée quasi totalement, et elles sont toutes valables. Imaginons ce père qui a perdu le même jour sa femme et ses deux seuls enfants. Imaginons cet être doué de sentiments multiples et divers, mais qui à présent est pétri d’un seul : l’amertume (ou la haine. Qui sait ?). Ce texte n’est pas du tout contre lui, ni contre tous ceux qui sont indignés contre cet acte barbare, effaçant d’un trait des êtres humains pleins de vie dans la plus ignoble des situations : la peur. Ils sont morts avec la peur en perspective. C’est ignoble.

Retournons-nous un peu, car c’est un devoir humain, et regardons ces trois chauffeurs de taxi-moto, eux aussi, assassinés dans le même contexte. Comme les passagers du véhicule, ils étaient au mauvais endroit, au mauvais moment. Qui étaient-ils ?
Assurément des pères ou des frères. Certainement des amis, des connaissances. Des fils, sans nul doute. Le fait le plus certain est qu’ils étaient des êtres humains comme nous tous, mais brutalement déracinés de leurs réalités.

Combien d’hommes et de femmes qui ont connu pire que la mort : l’oubli ?
Combien d’hommes et de femmes qui n’ont pas été comptés dans le sondage de l’histoire ?
En Haïti, combien d’hommes dont le kidnapping ou le meurtre ou un simple affront n’a pas été recensé ?
Combien de femmes dont le viol n’a jamais été retracé dans nos écrits ?
Combien de familles, lisant nos lignes, n’ont jamais vu une seule ligne relatant l’un des leurs qui serait assassiné ou violé, ou kidnappé ?
Que ressentent les oubliés ?
Combien sont-ils ?
Qui sont-ils ?

Trois chauffeurs de taxi-moto sont abattus, seulement parce qu’ils étaient de bon matin, des lève-tôt, partant, gonflés à bloc, à la recherche du bonheur, le mot est fort. Sommes-nous vraiment à la recherche du bonheur, en Haïti ?
Nous vivons. Certains survivent à je ne sais quoi. D’autres vivotent. Mais, le bonheur, nous ne sommes peut-être pas si gourmands.

L’histoire n’a jamais compté les sans-abri, les noms peu ronflants n’ont jamais abordé le temps et lui tenir compagnie dans le néant. Nous ne saurons jamais ce que nos mémoires ont fait aux oubliés. L’histoire n’aura pas retenu leurs noms.

Une pensée à tous ceux dont les noms ne sont figurés nulle part. Un témoignage d’amour à vous qui enterrez seuls vos proches. TripFoumi Enfo vous salue et vous insuffle du courage.

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