Éditorial

Éditorial | Et si Haïti était l’enfer dont on parlait

(TripFoumi Enfo) – Dans les saintes écritures (la Bible), l’enfer est appelé de plusieurs manières : le lieu de tourment, le feu éternel, la géhenne, le séjour des morts, la valée de la mort, etc. Se référant à ces noms, le cas d’Haïti n’est pas trop différent, puisqu’aujourd’hui elle en est un exemple parfait : un lieu de tourment, le séjour des morts et tout ce qui va avec.

L’artiste Jah Fakoly de la Côte d’Ivoire a chanté ces paroles pour son pays, mais la situation d’Haïti semble “battre le record de mal” :
Le pays va mal
Le pays va mal
Le pays va mal
De mal en mal
Mon pays va mal
Aujourd’hui, tout est gâté
L’armée est divisée
La société est divisée
Les étudiants sont divisés
Même nos mères au marché
Sont divisées
Nous manquons de remèdes
Contre l’injustice, le tribalisme,
La xénophobie etc.

Ajoutons à ces paroles qu’Haïti va très mal, car nous sommes au fond du gouffre et nous ne voyons aucune lueur d’espoir d’en être extirpés et de voir la lumière du jour. Nous nous demandons comment survivre dans cette jungle qu’est devenue Haïti. Aujourd’hui, c’est la loi des bandits. Les dirigeant se sont avoués vaincus et demandent même à la population de se défendre face aux gangs armés.

Selon l’OIM, des observations effectuées en Haïti, entre juin et août 2022, plus de 113.000 personnes sont considérées comme déplacées à l’intérieur de leur propre pays. 96.000 personnes ont fui l’insécurité qui sévit dans la capitale, en raison des affrontements entre gangs et des troubles sociaux, et 17.000 des suites du tremblement de terre, qui a dévasté les régions du sud du pays en août 2021.

De tristes constats, car le nombre de personnes déplacées à cause des violences liées aux gangs dans la capitale haïtienne, Port-au-Prince, et ses environs, a triplé au cours des cinq derniers mois, révèle un rapport publié cette semaine par l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM). Et la violence liée aux gangs entraîne des extorsions, des enlèvements et divers autres actes criminels dans un contexte caractérisé par de profondes inégalités, de graves manques de ressources vitales et l’effondrement de la sécurité.

Les experts sont d’accord pour dire que les violences aggravent la faiblesse économique de la population, car les quartiers où les niveaux de violences sont les plus élevés souffrent d’une détresse économique, alors que les récentes flambées des prix des denrées alimentaires et du carburant réduisent davantage les moyens de subsistance déjà précaires.

Avec cette crise, « des milliers de femmes, d’enfants et d’hommes ont été forcés de quitter leur foyer pour échapper à la violence et aux destructions », a déclaré Ulrika Richardson, Coordonnatrice résidente des Nations Unies en Haïti. « Les Nations Unies travaillent main dans la main avec les partenaires humanitaires, gouvernementaux et locaux pour s’efforcer d’atténuer les difficultés auxquelles sont confrontées de nombreuses familles parmi les plus vulnérables ».

Jour après jour, la gangrène de l’insécurité se répand à grande vitesse en Haïti. Plusieurs assassinats et enlèvements contre rançon menés par des gangs jouissant d’une quasi-impunité se sont multipliés. L’ancien président, Jovenel Moïse, accusé d’inaction face à cette crise, a lui-même été victime de l’instabilité générale du pays. Il a été assassiné dans la nuit du 6 au 7 juillet 2021 par un mystérieux commando venu de toutes parts.

À Pétion-Ville, une riveraine, sous couvert de l’anonymat, a accepté de nous raconter son histoire. Portant une robe blanche traditionnelle, cette femme issue d’une grande famille haïtienne s’est confiée avec une profonde tristesse. Pouvant à peine contenir ses larmes, elle raconte les atrocités qu’a vécues l’un de ses fils entre les mains de ses ravisseurs. Un soir de juin, celui-là revenait d’une fête chez un ami quand son véhicule est tombé sur une embuscade. « Les ravisseurs l’ont forcé à rejoindre leur voiture, où ils lui ont mis une cagoule sur la tête », explique la mère du jeune homme de 27 ans, qui a quitté le pays après sa libération. Les ravisseurs ont réclamé 1 million de dollars américains de rançon contre sa libération. Après négociation, la famille a versé 800.000 dollars. Un véritable processus d’appauvrissement.

La situation sécuritaire en Haïti est tellement hors contrôle que les enlèvements et les délits ne se comptent plus. D’après les experts en matière de sécurité publique et des droits de l’homme, le plus inquiétant dans cette conjoncture, ce sont les liens qui apparemment existent entre certaines bandes armées et les autorités étatiques, ce qui se manifeste par l’impunité dont jouissent les membres des gangs. Frustrant et alarmant !

Aujourd’hui, on a autant peur de la police que des bandits, car il est bruit que certains policiers sont eux-mêmes des bandits ou les trois quarts du temps les oreilles et les yeux des chefs de gangs. On a aussi peur des membres du gouvernement, car plusieurs d’entre eux sont décriés et soupçonnés d’être de connivence avec les gangs. Quel contraste !

Il est nécessaire de comprendre que le phénomène du kidnapping inquiète au plus haut point toutes les couches du pays. La plupart des citoyens craignent de se promener dans les rues. Commerçants, professionnels de tous domaines, agents de police, écoliers et étudiants semblent constituer des cibles pour les ravisseurs, qui exigent de fortes sommes à leurs proches pour leur libération. Hélas ! Avec des rançons exigées entre 100.000 et un million de dollars américains, les membres de la classe moyenne, victimes de ces crimes, se retrouvent littéralement plongés dans la pauvreté.

Le phénomène est resté sous le radar de l’actualité internationale jusqu’au 11 avril, quand sept religieux catholiques, dont deux Français, ont été enlevés près de Port-au-Prince. L’opération a été identifiée comme l’œuvre des hommes du Gang « 400 Mawozo ». Près d’une vingtaine de jours plus tard, la Société des prêtres de Saint-Jacques à laquelle ils appartiennent a annoncé leur libération sans préciser si une rançon a été versée. Plus d’un pensait que c’était un film bien exécuté par des acteurs que les bandits avaient appréhendés.

Un micro trottoir aurait sans doute comme réponse à la question « où se trouve l’enfer ? » L’enfer est ici en Haïti. Et ça, il n’y a pas de doute, diront les extrémistes. Parmi les plus affectés, nous entendrions dire que vivre en Haïti, c’est faire un stage pour l’enfer. Haïti est devenue une valée de la mort, car, ici, il est plus facile de mourir que de vivre. D’ailleurs, il y a une semaine, la journaliste Cyndie Régis Raymond a secoué les réseaux sociaux avec un challenge : Je vis en Haïti et je vais mourir bientôt. À croire que les bandits ont une conscience, ou encore pire, que les membres du gouvernement ont une vision de développement pour le pays, comme on le dit en Haïti “Se pa kounye a”. Car, tout est à refaire dans ce pays.

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