L’histoire se répète !Suite au soulèvement entamé par les gangs armés à Port-au-Prince pour évincer, disent-ils, le Premier ministre de facto Ariel Henry du pouvoir, le nom de Guy Philippe, un ancien prisonnier, a sonné fort à travers la République pour accéder au palais national.
Pourtant, il est fraîchement sorti de prison pour un crime qu’il a reconnu avoir commis devant la justice américaine. Il a atterri en Haïti en novembre 2023 avec une promesse de révolution, en promettant à tout prix de pousser le PM Henry à la démission.
Alors que les lignes commencent à peine à bouger concernant le soutien de la communauté internationale au PM de facto, le nom de Guy Philippe a été cité pour faire partie d’un Conseil présidentiel de trois membres.Lequel Conseil qui aura à diriger le pays pendant deux ans, afin d’aller vers des élections pour retourner Haïti à l’ordre démocratique.
M. Philippe qui a été condamné à une peine de prison, s’il arrive à accéder au palais national, sera-t-il l’unique ancien prisonnier à avoir dirigé le pays ?
Un prisonnier, dit prisonnier politique, au palais national
En 2016, après la fin du mandat de Michel Joseph Martelly, l’ancien sénateur des Nippes, Jocelerme Privert, est élu président provisoire de la République par le parlement haïtien.
Mais M. Privert est pourtant un ancien prisonnier qui a pu accéder au palais national. Il a été arrêté le 6 avril 2004 pour sa participation présumée dans un massacre à la ville de Saint-Marc. Toutefois, sa culpabilité n’a jamais été prouvée par la justice pour aboutir à une condamnation.
Des anciens condamnés pour corruption qui deviennent chefs de l’État
Quand on fait un coup d’œil rétrospectif dans le passé, on arrive à avoir une idée du faible niveau de moralité qui a jalonnée l’histoire de la société haïtienne. Des hommes dont la culpabilité a été clairement prouvée par la justice, ont pu accéder à la tête de l’État.
D’abord, on trouve Cincinnatus Leconte qui a été condamné pour corruption lors du procès de la Consolidation. Il avait écopé de 15 ans de prison suivis de travaux forcés. Il allait par la suite accéder à la présidence du pays du 15 août 1911 jusqu’à son assassinat au pouvoir le 8 août 1912.
Par la suite, on trouve Jean Antoine Tancrède Auguste qui, lui aussi, avait écopé de 15 ans d’emprisonnement et de travaux forcés. Il allait devenir président du pays au mois d’août 1912 jusqu’au 2 mai 1913.
Et enfin, Vilbrun Guillaume Sam, de son côté, a été condamné à perpétuité suivie de travaux forcés lors de ce procès. Il allait également devenir président de la République du 9 mars au 27 juillet 1915. Il a été par la suite lynché par la population ce 27 juillet après avoir ordonné l’exécution de 167 prisonniers politiques, dont l’ancien président Oreste Zamor.
Contexte de leur condamnation
L’histoire nous apprend que durant la présidence de Tirésias Simon Sam entre le 31 mars 1896 et le 12 mai 1902, plusieurs anciens hauts fonctionnaires, banquiers, hommes politiques, dont le président Sam, avaient commis une vaste opération de corruption.
Mais à l’arrivée du Général Pierre Nord Alexis à la tête de l’État en 1903, il avait fait du combat contre la corruption la pierre angulaire de son administration. En ce sens, en 1904, son gouvernement a pu organiser, dans l’affaire de corruption survenue sous le président Sam, un procès historique qui a marqué les annales de la justice haïtienne : « Le Procès de la Consolidation ». À l’issue de ce procès historique, plusieurs grands noms de l’époque ont été condamnés, dont le président Sam qui avait écopé de la peine maximale. Mais les personnalités susmentionnées qui ont été également condamnées pour corruption, allaient malheureusement accéder à la présidence du pays par la suite.
Quand le passé refait surface !
En 2024, le passé semble vouloir refaire surface avec M. Philippe qui est un ancien prisonnier et un ex-rebelle ayant participé dans une lutte armée pour renverser l’ex-président Jean-Bertrand Aristide en 2004. Dans un article du Nouvelliste en date du 6 janvier 2017, le directeur exécutif du Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH), Pierre Espérance, avait déclaré que M. Philippe est un délinquant qui avait participé dans l’assassinat de plusieurs policiers lors des évènements de 2004.
En 2016, l’ancien rebelle a été indexé par un rapport de la police judiciaire dans une attaque contre le Commissariat des Cayes. Au moins un policier a été tué lors de cette attaque et plusieurs autres blessés. Philippe avait fait l’objet d’un mandat d’amener dans le cadre de ce dossier.
En 2017, alors qu’il s’apprêtait à rentrer au parlement haïtien comme sénateur élu de la République pour le déplacement de la Grand’Anse, il a été arrêté par la police haïtienne, accompagnée des agents du « Drug EnforcementAdministration » (DEA).
Il allait par la suite être transféré aux États-Unis, où il a été jugé pour blanchiment d’argent provenant du trafic de drogue. Soulignons que lors de son procès, il avait plaidé coupable devant le tribunal.
Guy Philippe a passé six ans derrière les barreaux puis a été déporté en Haïti en novembre 2023 après sa libération. Avec son nom qui résonne pour accéder au palais national, c’est le passé qui refait surface, à l’instar de ces anciens condamnés pour corruption qui avaient pu accéder au plus haut sommet de l’État.