Opinion

Le régime PHTK, une menace pour l’état de droit et la démocratie en Haïti

« C’est une expérience éternelle, que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser ; il va jusqu’à ce qu’il trouve des limites. Qui le dirait ! La vertu même a besoin de limites. Pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la dispositions des choses, le pouvoir arrête le pouvoir. »
Montesquieu. “De l’esprit des lois” (1758) Livre XI, ch.4

Aujourd’hui, la situation du pays s’est dégradée au point de devenir explosive. Des tares en sont visibles. Il n’est pas seulement plongé dans une crise sanitaire due au COVID19 mais également pour la période de 2019-2020, il plie sous le poids d’une crise économique avec des indice d’inflation proche de 24% et un taux de chômage dans le secteur formel dépassant les 50%, un PIB de (MD$) 8,8 et plus de 60% de la population survit avec moins de 2 dollars par jour, c’est-à- dire l’état de l’économie haïtienne. La gourde s’est effondrée ayant perdu un tiers de sa valeur en l’espace d’une année 2019. Si la crise touche tous les secteurs nationaux et semble impossible à résoudre, elle est prioritairement politique avant d’être économique, judiciaire, sécuritaire, sociale et sanitaire. C’est en effet une crise voulue, recherchée, manigancée et montée délibérément pour le seul profit des élus et partisans du clan PHTKiste. On observe à cet égard, le projet de l’Exécutif au cours de ces derniers mois donc en fin de mandat, qui joue des pieds et des mains afin de prolonger son échéance contestée jusqu’en février 2022, et ceci dans le seul et unique but de garantir l’hégémonie espace-temps de son parti et clan par des élections bidons avec la mise en place d’un Conseil électoral temporel claudiquant.

L’avenir de la Démocratie et de l’Etat de droit est menacé dans le pays. Malgré que le peuple haïtien continue à croire dans l’idéal démocratique mais la difficulté rencontrée dans sa mise en pratique l’a désenchantée et l’a désillusionnée. Les aspirations démocratiques continuent à se faire ressentir malgré la fragilité de nos institutions républicaines relative à un contexte socio-économique dégradant et difficile. En effet, à part la crise sanitaire qui frappe notre pays, une crise beaucoup plus récurrente continue à marquer l’esprit de la majorité des haïtiens, il s’agit bien de la crise politique qui paralyse la vie nationale. L’activité entière de notre pays est aujourd’hui entravée dans des conditions inédites en temps de paix. La population haïtienne est en train de subir les effets néfastes d’un régime autocratique en déficit de légitimité et d’efficacité dans son mode de gouvernance désastreuse qui s’adonne à l’utilisation de sa communication propagandiste, de sa milice armée (les gangs G9) , et faisant de la parole mensongère un instrument qui vise à renforcer la corruption endémique, du crime systématique (Kidnapping), de la terreur chez la population paupérisée, une stratégie politique. Tout ceci pour renouveler son emprise psychologique, son hégémonie politique à la tête de l’État pour les 50 ans à venir.

Nul ne peut ignorer que dans notre pays, la politique fonctionne de manière traditionnelle dans l’affrontement plutôt que vers le consensus. Et les conflits politiques ne peuvent plus désormais s’exprimer ou se résoudre dans les discussions et débats parlementaires, ils se déploient dans d’autres arènes et par d’autres moyens aujourd’hui tels que les rues qui échappent aux représentants, sans possibilités de débouchés politiques institutionnels. Beaucoup ont tenté par tous les moyens possibles de justifier les agitations arbitraires du pouvoir en place. C’est dans cette optique que nous citons ici les propos repris par le conseiller spécial du président Guichard Dore “En période de crise, la politique saisit le droit”, une thèse qu’il a avancée durant le mois de Septembre 2019 sur les antennes des médias haïtiens est non seulement symptomatique du recul de la démocratie dans notre pays mais elle constitue aussi une menace pour l’Etat de droit dans lequel la primauté et le respect de la constitution doivent être préservés. Soulignons que c’est une phrase toute courte, un slogan puisé du répertoire juridique français, qui n’existe nulle part en Haïti et de plus une théorie tendancieuse et une véritable menace à notre modèle consensuel de démocratie et contre l’état de droit en Haïti dont le seul but est d ’éroder l’ordre constitutionnel pour faire main-basse à long-terme sur les commandes du pouvoir. C’est une option démagogique du politique sans valeur constitutionnelle afin d’anéantir toute garantie d’alternance politique, de réforme consensuelle chez la nation haïtienne.

Ainsi parmi les constantes qu’on peut relever dans la vie politique en Haïti depuis 25 ans est la permanence de l’intervention de la Communauté Internationale. La CARICOM, l’OEA, l’Ambassade américaine, le Core Group* et, depuis 2006, l’ONU permettent à des gouvernements latino-américains (notamment le Brésil et le Chili) de faire une entrée en force dans les questions électorales du pays. Certes, chaque session électorale est étroitement liée à l’aide que peuvent apporter les « pays amis », en particulier les Etats-Unis et le Canada. Il appert donc de signaler que le comportement du nouveau Ministre des Affaires Étrangères Haitien, le Dr Claude Joseph est la traduction claire que la souveraineté nationale est mise en veilleuse. Les discours qu’il enchaîne dans les médias nationaux et internationaux sur la nature de la solidarité et la coopération internationale semblent favoriser l’ingérence des acteurs étrangers dans les affaires internes du pays et la permanence d’une supervision internationale du système électoral haïtien. Soulignons toutefois que même en l’absence d’un conseil constitutionnel, en cette période de crise, la nécessité d’un accord politique sous une base consensuelle s’impose d’elle-même pour garantir la stabilité politique et la paix sociale.

L’heure est donc grave et la République elle-même est en train de vaciller. La menace immédiate qui plane sur l’avenir de la nation est la montée en puissance d’une volonté manifeste d’autoritarisme de la part du pouvoir Exécutif. L’effacement du Parlement et la concentration du pouvoir dans la personne du Président de la République devenu, de fait, le principal législateur a réduit comme peau de chagrin l’espace politique. Rappelons ici que la séparation des pouvoirs reste et demeure un principe essentiel de Démocratie. Pour être effectivement appliqué, l’État de droit suppose la séparation des pouvoirs visant à éviter la concentration du pouvoir aux mains d’un despote. Le pouvoir est distribué entre des organes indépendants et spécialisés :le pouvoir de voter la loi (pouvoir législatif); le pouvoir d’exécuter les lois et pour ce faire d’édicter des règlements (pouvoir exécutif) ;le pouvoir de rendre la justice (autorité judiciaire).

Le respect de la hiérarchie des normes est un mécanisme juridique clé. L’existence d’une hiérarchie des normes constitue l’une des plus importantes garanties de l’État de droit. Dans ce cadre, les compétences des différents organes de l’État sont précisément définies et les normes qu’ils édictent ne sont valables qu’à condition de respecter l’ensemble des normes de droit supérieures. Au sommet de cet ensemble pyramidal figure la Constitution, suivie des engagements internationaux, de la loi, puis des règlements. A la base de la pyramide figurent les décisions administratives ou les conventions entre personnes de droit privé. Cet ordonnancement juridique s’impose à l’ensemble des personnes juridiques. L’État, pas plus qu’un particulier, ne peut méconnaître le principe de légalité : toute norme, toute décision qui ne respectent pas un principe supérieur seraient en effet susceptibles d’encourir une sanction juridique. L’État, qui a compétence pour édicter le droit, se trouve ainsi lui-même soumis aux règles juridiques, dont la fonction de régulation est ainsi affirmée et légitimée. Nous sommes donc en présence d’un défi majeur qui nécessite l’apport et le soutien de chaque citoyen pour le relever. Comment préparer la nation à faire face aux abus autocratiques du régime PHTK? Dans cet objectif, il est impératif que la société toute entière s’arme de force morale, juridique, a partir de réflexion solide pour s’assurer que l’État de droit cesse l’objet d’attaques permanentes du régime, que la démocratie régule la société ?

Donc l’incompatibilité des décisions, actions gouvernementales Jouthe-Jovenel d’avec la lettre et l’esprit de la Constitution de 1987 amendée provoque un état de violence extrême en boucle, de d’échéance économique accrue, de désespoir sans nom dans ce pays, aujourd’hui considéré comme l’un des pays les plus pauvres au monde. La publication de l’arrêté du 18 septembre 2020 mettant sur pied ce Conseil Électoral Provisoire avec pour missions d’organiser des élections et un référendum pour l’adoption d’une nouvelle constitution est aujourd’hui contestée par presque l’ensemble des secteurs de la vie nationale car ils estiment que ce dernier n’est pas valide car il dérobe au respect des normes qui lui sont supérieures, la loi et la constitution. L’on peine à trouver une loi régissant le référendum constitutionnel que le CEP serait chargé d’organiser. Constitution du corps électoral, majorité requise, prise en compte ou non des votes blancs, etc., rien, niet, nada. En l’absence de loi, le CEP agirait dans la plus complète illégalité et remplirait une mission qu’un simple arrêté ne saurait lui confier. Loi impossible d’ailleurs à promulguer, car elle contredirait de manière frontale la procédure précisée dans la constitution en vigueur pour la modification constitutionnelle (art. 282 et suivants Constitution). L’arrêté contesté doit donc être reporté ou annulé en raison d’une violation directe de la loi et de la constitution qui affecte son objet. Il est à cet égard, en raison même de son contenu, frappé d’une illégalité interne parce qu’il n’est pas conforme aux normes qui lui sont supérieures. (René CHAPUS, Droit Administratif Général, Coll. Domat Droit Public, 9e éd., Ed. Montchrestien, Paris, 1995, no. 1057). En effet, l’article 241 du Décret Électoral du 2 mars 2015 toujours en vigueur (Le Moniteur, Spécial no. 1, 2 mars 2015) dispose clairement que « les dispositions constitutionnelles et légales relatives au Conseil Électoral Permanent s’appliquent également au Conseil Électoral Provisoire chargé de réaliser les prochaines élections ». Parmi ces dispositions constitutionnelles figurent celles de l’article 194-2 relatives à la prestation de serment.

Pire encore, le régime en place veut nous imposer un nouveau manifeste, qui nous accompagnera et qui aura de lourdes conséquences sur notre devenir historique. Il faut toutefois rappeler au régime PHTK en place que notre démocratie est un « modèle consensuel » tel que défini par Lipjhart*, par opposition au « modèle majoritaire » qui domine la vie politique américaine. Ceci exprime le degré de divergence compétitive qui fait dissension dans la société haïtienne: Conflit de clans ! Notre modèle est en effet lié, en grande partie, au système de partis et donc caractérisé par le multipartisme. En tout état de cause, notre système ne doit pas être assimilé, pour les besoins de la propagande, à tout autre cadre de gouvernance qu’il soit français ou américain même si le mimétisme semble être la norme tout spécialement quand il s’agit de rédaction constitutionnelle. Il suffit de se pencher sur l’histoire politique du pays pour constater qu’il a connu deux empires et une royauté. De 1807 à 1820, Haïti a été divisé en deux Etats : la république de l’Ouest et du Sud dirigée par Alexandre Pétion jusqu’à 1818, et l’Etat du Nord avec Henri Christophe qui en a fait un royaume, à partir de 1811. En 1810, André Rigaud sépare le Sud de la République. Il créa l’Etat du Sud. Quatre présidents sont assassinés au pouvoir et 14 forcés à l’exil.

Alain Supiot Juriste, docteur honoris causa professeur émérite au Collège de France avance: “La démocratie est l’une des réponses inventées par l’humanité à la question de l’imposition dans une société donnée de règles de vie qui doivent être respectées par tous ses membres. Il ajoute: C’est une question vitale pour l’espèce humaine et qui ne se pose qu’à elle. Les hommes ne peuvent accéder à la raison sans la société et se soumettre à une référence commune. C’est à dire sans obéir à une logique de l’interdit qui leur permet d’échanger des paroles plutôt que des coups.” Et peut-être que nous devrions prendre en écho, cette fameuse phrase de Winston Churchill prononcée le 11 novembre 1947, à la Chambre des communes : « La démocratie est le pire système de gouvernement, à l’exception de tous les autres qui ont pu être expérimentés dans l’histoire », Larry Diamond (1993) fait, à son tour, remarquer que « la démocratie est le type de système politique le plus admiré, mais peut-être aussi le plus difficile à maintenir ». La vision d’une démocratie mimétique est aujourd’hui rejetée partout dans la société haïtienne au sens où, une fois que des élections ont lieu, on disposerait nécessairement de conditions nécessaires et suffisantes à l’instauration d’un vrai régime démocratique. La démocratie devrait faire appel à l’ensemble des conditions générales du fonctionnement des différents acteurs de la société haïtienne.

Il est vrai que le régime en place fait objet de contestation populaires et institutionnelles en manifestations et sittings, de conférences des partis et débats entre jeunes de façon inédite néanmoins la rhétorique et la pratique du régime persistent dans son courant arbitraire et s’accélèrent même sans jamais tenir compte des principes ni de la majorité de la population. Il s’organise dans le mépris des gouvernés à démanteler les valeurs républicaines, à affaiblir toutes les institutions étatiques chargées de la redevabilité et du contrôle de l’Exécutif. C’est donc à un recul de la démocratie qu’on assiste. La question primordiale consiste à bien comprendre en premier lieu la source de la crise actuelle à l’origine de l’érosion democratique en Haïti. Le népotisme et la corruption, le laxisme, gangrènent le système politique. La mauvaise gestion des fonds Petrocaribe s’est soldée par un pillage des fonds d’investissements. Aucune mesure de redressement, aucune action en justice …A continuation les contrats viciés ou léonins ont vu le jour par exemple kits scolaires, cabrits améliorés, cartes électorales dermatologues. L’Exécutif ne fait aucun cas de ce qui précède.

Au contraire, on assiste à une montée en puissance d’un autoritarisme sans limite dans lequel les libertés civiles sont systématiquement entravées, la séparation des pouvoirs est caduque, l’indépendance du pouvoir judiciaire est menacée par l’exécutif, les partis d’opposition contraints dans leurs actions et les médias systématiquement muselés, tout comme les principaux acteurs de la société civile. On assiste quotidiennement à des exécutions sommaires et crimes commandités, des règlements de compte dans la rue, des violations des domiciles pour vol, attentats…gaz lacrymogène et tirs à balles réelles contre les manifestants,, Kidnappings: une violence policière par et contre les policiers, des gangs armés dans les ghettos de la capitale et en province se déclarant dans la presse ouvertement parti-prenante du pouvoir exécutif PHTK et circulant librement sur tout le territoire. La confusion des motifs comme l’impunité sont devenu la norme.

Enfin de compte, l’ensemble des mesures prises par le régime PHTK ne sont pas conformes aux lois de la république et sont caractérisées d’un niveau de disproportions jamais connues dans l’histoire de la nation depuis 1987. La pertinence de ces mesures constituent des entraves majeures aux conditions de fonctionnement de la démocratie. Il y a confrontation car l’heure est à la Résistance grand « R ». Résistance à l’oppression d’un régime autocratique, autoritaire, arbitraire, despotique et tyrannique.

CHERISIER, LAVOISIER JR.
Fondateur du Mouvement BBJ109
Bibliographies sur demande.
[email protected]
(516) 406-4603.

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