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Un voyageur vers le Sud de Port-au-Prince raconte…

(TripFoumi Enfo) – Parler de Port-au-Prince au cours de ces 5 dernières années est loin d’être une mince affaire : il y a tant d’évènements qui méritent d’être rapportés dans les journaux.. C’est une capitale qui multiplie les nouvelles, les unes plus tristes que les autres. Son entrée Sud cristallise les débats, car l’État y est tenu en échec, et c’est visible, ayons le courage de dire la vérité.

Il était environ 10 heures quand nous sommes arrivés dans la zone de Portail Léogâne, notamment à la station où sont alignés les véhicules assurant le trajet Port-au-Prince/Petit-Goâve. Contrairement aux années antérieures, peu de minibus, peu de passagers. Mais qui, aujourd’hui, ose voyager vers le Sud en passant par Martissant si l’urgence ne frappe pas à sa porte ?

Nous sommes montés dans un “pappadap”. La chaleur prend en otage l’intérieur, alors que les passagers s’y entrelacent, faute de places. Les gens transpirent. L’inquiétude se lit sur chaque visage. Soit dit en passant, de janvier à septembre, le prix de ce trajet passe de 350 à 750 gourdes. En l’espace de 9 mois, oui !

Pour remplir l’engin, les “bèf chenn” partent à la recherche des passagers. Ces derniers sont comme des pierres philosophales, tant ils sont rares. Effectuer un voyage à Port-au-Prince, nous nous devons de le souligner, est un acte héroïque. Un jeune couple, avec son bébé, arrive. La fille, ayant sur ses bras sa progéniture, prend place, et le jeune homme dépose sa valise sur un siège et reste dehors. Il fait chaud !

Il reste 3 places à remplir avant de partir. Après un bon bout de temps, trois passagers arrivent. Nous espérons respirer un peu quand les roues commenceront à tourner. Curieux, nous essayons de regarder dans presque toutes les directions. Les petits marchands qui étalaient leurs produits à côté de la rivière bois-de-chène ont déserté. Eaux boueuses. Nous roulons comme dans un marécage. Portail Léogâne est abandonné, qu’on se le dise.

Nous avançons vers Martissant, quartier occupé par des gangs armés depuis plus d’un an. À quelques mètres, un parasol est aperçu au mitan de la route. Arrivés plus près, deux hommes par nous remarqués s’y abritent. Une valise. Que font-ils ? Ils reçoivent de l’argent des chauffeurs et ce, à chaque voyage effectué. Ce seraient des soldats des chefs de gangs Ti Lapli et Izo qui opèrent dans ce quartier.

Les maisons qui logent le long de la route sont trouées. Des impacts de balles. De l’eau sur le sol. Le chauffeur fonce. Silence. Total. Silence. Radio. En tout cas, personne n’ose parler. La Nationale numéro 2, sur cet axe routier, ressemble à un cimetière planté dans les eaux. C’est unique, quoi ! Aucune trace de l’État, si ce n’est celle de l’abandon. Aucune, nous disons. Dans ce climat règnent les gangs armés !

Pointant notre nez à Fontamara, environ trois hommes se trouvent au milieu de la route. Le chauffeur, pour une deuxième fois, a dû payer pour trouver un laissez-passer. C’est fini ? Non. À Gressier, à quelques maîtres du Commissariat, un homme perçoit de l’argent des chauffeurs. Les policiers ? Ils sont là, dans leur maison bleu et blanc. Il se foutent royalement, à ce qu’il paraît, de ce qui se passe dehors. La route, couverte d’eau !

Le conducteur tente d’avancer difficilement. Un pneu éclate. Celui d’avant droit. Tout le monde doit descendre, le temps qu’un autre soit enfilé. Le soleil nous terrase, mais nous n’avons pas d’autres choix que d’attendre la résolution de cette panne. Cette dernière une fois résolue, nous redemarrons. Voyager vers le Sud de Port-au-Prince, c’est comme de la mer à boire !

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