Éditorial

Éditorial | « Dechoukay », la guerre des opinions

(TripFoumi Enfo) – Haïti est en ébullition depuis un certain temps. La paix et la tranquillité d’esprit sont, pour ainsi dire, des choses très rares ces jours-ci. Les revendications déjà très justes d’un peuple en quête d’un mieux-être sont nombreux et prennent diverses tournures. De ces dernières découle le mouvement des rues qui s’intensifie depuis tantôt trois semaines suite à la décision du gouvernement, ayant à sa tête Ariel Henry, qui a pris unilatéralement la méchante résolution d’augmenter les prix des produits pétroliers à environ 128% pour la gazoline, 89,80% pour le diesel et 91,76% pour le kérosène. Une augmentation brutale qui fait grincer les dents, surtout au milieu de la classe populaire qui comprend que tous les autres produits de première nécessité vont subir le même sort d’augmentation à cause de cette montée vertigineuse des prix des produits pétroliers. Pour contrecarrer cette vile décision et inciter le gouvernement à faire marche arrière, une stratégie toujours critiquée par des Haïtiens qui se font appeler aliénés a refait surface. Il s’agit bien de la politique dessalinienne modernisée : « Dechoukay ».

Depuis avant l’indépendance d’Haïti, la pratique qui tire son origine dans le français « dessoucher » avait déjà existé. D’ailleurs, elle a même contribué à la libération du premier peuple noir du joug de l’esclavage. Elle a aussi aidé à éradiquer le système dictatorial imposé par les Duvaliers. En effet, ces exemples précités montrent clairement la lutte constante que mène le peuple haïtien depuis son existence pour son bien-être continue de prendre chair, puisque la vie à laquelle ce peuple aspire depuis un certain temps fait toujours défaut.

Malgré tout le sang qui a coulé pour la libération de ce grand peuple, les leaders n’arrêtent pas de faire leur niaiserie politique tout en essayant d’embobiner avec de beaux discours la population massive qui souffre de toute sorte de crises. Pour certains patriotes qui luttent encore avec recul, la culture haïtienne est sur la voie de disparition, car, pour eux, certaines autres n’existent plus à cause de ces mêmes troubles socio-politiques et économiques qu’Haïti connaît aujourd’hui.

On n’a jamais fait de cadeaux à Haïti. Quasiment tous les présidents et les gouvernements de la génération Y jusqu’à la génération Z ont pris des décisions qui ont poussé le peuple haïtien à se révolter, à fouler le macadam, à piller, à vandaliser et même dessoucher (dechouke) les institutions publiques, les entreprises privées et, malheureusement, les dommages collatéraux ne sont jamais trop loin, car un peuple en colère peut tout détruire sur son passage.

Ces dommages collatéraux enregistrés lors des manifestations populaires ont déclenché une guerre d’opinions. Les personnes victimes et leurs proches dégagent leurs frustrations en traitant les manifestants de bourreaux, d’illettrés. Et pour riposter, des militants affirment que tout combat engendre des pertes, que ce soit en vies humaines ou en biens matériels. Les spectateurs qui n’ont pas de position politique font la morale et les soi-disant journalistes crachent sur la lutte des personnes qui n’ont jamais pu satisfaire les besoins primaires et secondaires, voire goûter au luxe. La frustration et la guerre déclarées de ce peuple meurtri par des dirigeants insouciants, insensibles ne sont qu’à leur début tant que la population n’arrive pas à assouvir et avoir accès aux besoins primaires.

Le peuple haïtien dans sa quasi totalité patauge dans la misère, la souffrance et l’insécurité, c’est un fait inaliénable. Il exprime son ras-le-bol face aux déboires du gouvernement et d’un système pourri qui ne visent que l’intérêt d’une minorité depuis très longtemps. Dans ce cas précis, Robespierre eut à dire ceci : “Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est pour le peuple le plus sacré et le plus indispensable des devoirs”. Et, ce peuple haïtien qui n’a pas accès au strict minimum a le droit de se rebeller mais se rebeller sans un objectif précis peut empirer ses conditions matérielles d’existence et son mouvement être voué à l’échec. Que la guerre d’opinions soit pour une bonne cause et que même les moralistes qui s’érigent sur les réseaux sociaux soient sortis pleinement satisfaits, car, avant tout, bon nombre d’entre eux vivent la même galère que le peuple souverain. Enfin, que le peuple, en cherchant son bien-être, ne se comporte pas en véritable scorpion !

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