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Aterson-N Sainval salue la force des Madan Sara

Les Madan Sara sont des héroïnes dans tous les sens cachés ou non cachés du mot. Des piliers. Celles qui opèrent des miracles. Elles incarnent des femmes courageuses, celles qui font avancer la vie, sourient à leurs enfants comme à des princes peu importe les circonstances. À travers un poème, le performeur et poète de Petit-Goâve les glorifie. Il leur déclare sa flamme. Un devoir de mémoire, un hommage rendu et bien mérité pour ces femmes marchandes qui survivent aux périls de la vie. Les Madan Sara, Aterson-N dit gloire à elles dans les Pages noires de vers imprécis, son premier recueil de poèmes paru aux éditions Pulucía, en décembre 2022. Ce poème décrit ces héroïnes qui joignent les deux bouts pour construire un royaume pour leur famille.

Ces vers résonnent dans une âme d’enfant comme peu d’autres, brûlant d’adoration, d’exaltation et d’une gloire méritée, et ainsi de suite. Comme un enfant qui se consume d’amour pour ces femmes qui portent le fardeau des jours pour apporter la joie au foyer.

L’amour ne doit pas être caché au fond de la peine, il doit être chanté quand on ouvre la porte à l’honneur. Il doit être exprimé avec des mots de soie, surtout quand il demande à sortir. Aller vers l’autre, une Madan Sara qui porte, perchée sur sa tête, les rêves des enfants devenus rois sur le dos d’une marchande, qui prend la vie par le collet, oubliant parfois que le soleil lui brûle sa belle peau ainsi que son visage de négresse innocente d’autrefois, quand il ne pleuvait pas trop de calamités. C’est ce que fait le performeur Aterson-N Sainval, dit Dade. Élégant, le poète Dade l’est dans son style : sans fioritures, il a le mot juste. Le verbe qui plaît.

J’ai donné ma vie au péril,
Laissé mon sommeil à sa retraite
Oublié la fraicheur de ma peau raffinée
Et mes cheveux d’effet sur mon visage de feu
Au tiroir de la beauté́.
Je caresse mon âme, mon cœur
Qui ignore son chemin
Dans le vide de mon existence
Afin de voir mon enfant
Comme une étoile filante
Dans les couleurs de la dignité́.
Quelques soirs, Il m’arrive d’oublier que l’heure est fatidique
En voyant ma voisine, tremblante, allongée sur les sacs de voyage
Comme un cadavre insomniaque
De Jérémie à Port-au-Prince
“KWABOSAL” nous attend…
Il nous attend malgré́
Le vent tourne
L’orage tonne
La pluie nous crache dessus.
Malgré́ moi
Qui respire sous des cris de balles
Mon âme engourdie de givre
A la dérive sur la grève
Le souffle coupé
Les yeux mouillés
Pour te nourrir
Malgré́ tout,
Je suis jetée aux oubliettes
Car, j’ai le cerveau nu
Les yeux vides
Où les flammes ne dansent plus.
Quel gâchis !
Je suis un trésor
Humilié
Piétiné́
Effacé
Parce que je suis « MADAN SARA »

En ces temps de mille et un troubles, ces femmes sont prises au piège. L’insécurité les contraint à éviter les lieux de batailles à la vie dure comme pierre (les marchés) pour faire cuire (l’espoir ou encore la question qui illustre la consommation urbaine grâce à elles). Outil important pour l’économie haïtienne, ces femmes ne sont pas traitées (violées, battues ou décapitalisées à cause de la situation actuelle) à leur juste valeur dans la société. Cependant, dans un flot d’éloges touchants, le performeur les fait belles.

Tout a été dit sur la simplicité du vocabulaire d’Aterson Sainval, sur le calvaire des femmes piliers dans notre société, son utilisation d’images claires et simples qui imposent un rythme doux à la lecture, mais qui ne rendent en rien le texte complexe.

Kerby Vilma

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