« Dan pouri gen fòs sou bannann mi », un bon vieux proverbe haïtien qui n’accuse aucune ride depuis son énonciation. Il a traversé le temps, et beaucoup, mais beaucoup d’humains, par leurs actions, ont toujours cherché à piétiner les plus petits. Ils ont une certaine prédisposition naturelle à enfoncer ceux qui semblent n’avoir aucun recours (Bwa dèyè bannann yo). Et notre cher gouvernement, passif, extrêmement, passif face à la criminalité crue des gangs armés à l’encontre de la population, devient soudainement le lion de la savane face à la BSAP.
Ce n’est pas nouveau. Avant d’abonder dans ce sens, l’on peut souligner sans être trop exhaustif le comportement répressif des policiers vis-à-vis du peuple quand ce dernier investit les rues pour réclamer mieux-être. Comment ces agents de l’ordre, qui sont censés servir et protéger la population mais qui n’y parviennent pas, car les bandits armés élisent domicile dans la cité, sont-ils aussi efficaces quand il s’agit de disperser la foule qui demande, quémande un autre quotidien, un avenir pour ses fils et ses filles ? La loi du plus fort, dirait l’autre. Le lot habituel, on ne s’en étonne plus.
Pas plus tard que ce lundi 29 janvier, un journaliste a été blessé par balle à Jérémie, selon les informations rapportées par le média en ligne Radio Graphie, à la suite d’une intervention policière visant à disperser la foule. Ce n’est certainement pas une nouvelle, car ce genre de cas est monnaie courante en Haïti. Le peuple se meurt, mais il lui est interdit d’en parler, sinon il meurt.
Revenons-en à ce qui nous concerne dans ce papier : notre très cher gouvernement.
Ce lundi 29 janvier 2023, Ariel Henry a publié ceci :
« À tous les employés de l’Agence Nationale des Aires Protégées (ANAP) et à toutes les personnes attachées à cette entité
1 – Conformément à l’arrêté publié le mardi 23 janvier 2024 créant une commission technique de restructuration de l’Agence nationale des Aires protégées (ANAP), le Gouvernement de la République d’Haïti, à travers le Ministère de l’Environnement, demande à tous les employés et à toutes les personnes attachées à l’institution de se rapporter au bureau du Ministère de l’Environnement le plus proche en vue de se faire recenser.
2 – Dans le souci de l’amélioration du climat sécuritaire du pays et de ramener la paix et la tranquillité pour toutes les haïtiennes et pour tous les haïtiens, à compter de la publication de la présente, aucun agent environnemental muni d’armes à feu quel qu’il soit, et sous aucun prétexte, n’est autorisé en uniforme ou non à circuler dans les villes.
3- En attendant les directives de la Commission chargée d’évaluer l’ANAP et de faire des recommandations au gouvernement sur les réformes à adopter en vue d’améliorer l’efficacité et la légalité des interventions de l’institution en faveur de la protection de l’environnement, il est demandé aux employés et aux supplétifs de l’ANAP de rester dans les aires protégées où ils sont affectés. »
Le lion rugit !
Contextualisons pour votre compréhension
Le gouvernement d’Ariel Henry révoqué Jeantel Joseph, mardi 23 janvier 2023, par un arrêté pris en conseil des ministres. Une commission technique le remplacera pour restructurer l’institution. Suite à la décision inattendue du gouvernement, les membres de la Brigade de Sécurité des Aires protégées (BSAP) ont exprimé leur mécontentement, précisant que la révocation de Jeantel est illégale. Les soldats ont gagné, ce lundi après-midi, les rues de Hinche et de Ouanaminthe. Ils ont aussi annoncé de grands mouvements dans les prochains jours.
Se sentant pour une fois menacé, le gouvernement a haussé le ton. Ce qu’il ne fait jamais avec les bandits armés qui sèment la mort dans pratiquement toutes les familles haïtiennes, soit par peur, ou tout simplement parce que le gouvernement trouve son compte dans l’entreprise criminelle de ces malfrats. Qui sait ? Mais, on est en droit de leur trouver une quelconque relation… « Ou le bannann est twò di. Dan pouri pa fè gwo jefò. »
Plaçons une loupe sur un extrait du communiqué du gouvernement :
« Dans le souci de l’amélioration du climat sécuritaire du pays et de ramener la paix et la tranquillité pour toutes les haïtiennes et pour tous les haïtiens, à compter de la publication de la présente, aucun agent environnemental muni d’armes à feu quel qu’il soit, et sous aucun prétexte, n’est autorisé en uniforme ou non à circuler dans les villes. »
Ne remontons pas trop loin dans le temps
Selon le Bureau Intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH) plus de 8,400 personnes ont été tuées, blessées et/ou kidnappées au cours de l’année 2023. C’est la représentante spéciale du Secrétaire Général des Nations Unies qui fait aussi office de cheffe du BINUH qui a fait ces révélations le 25 janvier dernier au Conseil de Sécurité de l’ONU.
Et encore, ces chiffres sont très très loin de la vérité selon plus d’un. Ce mal sans nom nous est infligé par les terroristes qui n’ont peur de personne. Ils font le mal continuellement, sans répit. Ils ne s’en cachent pas. Ils font des live sur les réseaux sociaux, donnent parfois des indications sur leur QG, sans crainte aucune. Tout le monde sait où ils se trouvent, mais personne n’ose les attaquer correctement. Peut-on dire que le gouvernement a deux faces, l’une d’un lion quand il doit mater les mouvements du peuple, et l’autre, d’un foutu lapin face aux gangs armés.
La sécurité et la tranquillité dont il parle, monsieur Henry, étaient bien effectives dans la société jusqu’à ce que la BSAP se rebelle. Ala moun yo gameuz !
Nous aimerions dire quelque chose d’intelligent quant à l’attitude du gouvernement haïtien, mais nous ne pouvons que nous incliner face à la perfection de la petitesse de ces gouvernants maladroits et méchants.