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L’ULCC se réveille de son profond sommeil sur une affaire de corruption depuis 2019: une lueur d’espoir pour les habitants de la rue solidarité à Petit-Goâve

La problématique de la corruption en Haïti occupe toujours les grands débats. En 2019, l’État, à travers le Ministère des Travaux Publics, Transports et Communications (MTPTC) a entrepris de réaliser le projet d’aménagement de la route Avenue solidarité, à Petit-Goâve, située à la douzième section. Plus de 5 ans après, les travaux restent inachevés. Des dizaines de millions de gourdes seraient détournées, empêchant son achèvement, selon une source digne de foi.

Dans le cadre de ce projet, plusieurs propriétaires étaient victimes de spoliation, d’intimidation et de menace, et des arbres qui protégeaient la zone ont été abattus à cet effet suivant les ordres de l’ingénieur du MTPTC, Franck Célestin, en mai 2019. Malgré la destruction des propriétés des habitants, rien n’a été fait. Le chantier a été abandonné, le même mois, en cours de route, sans explication, laissant plus de 70 % de travaux à faire, selon des riverains de l’Avenue Solidarité.

Ne pouvant plus supporter l’indifférence des responsables de ce projet abandonné, plusieurs victimes attendent impatiemment le rapport de l’enquête de l’ULCC pour réenclencher le combat initié par le CORIAS (Comité de Riverains Indignés de l’Avenue Solidarité) dès le lancement du projet en 2019. Le comité a écrit à plusieurs institutions concernant cette situation.

Les membres du CORIAS ont également adressé une lettre à l’ULCC pour interpeller les responsables de cette institution et porter plainte par-devant le parquet de Petit-Goâve contre le député Germain Fils Alexandre, le maire Jean Samson Limongy, Eric Mésidor, les ingénieurs Souffrant, Franck Célestin… Il a également frappé à la porte de l’Office de Protection du Citoyen (OPC).

Grâce à des documents obtenus par la rédaction de TripFoumi Enfo, c’est l’entrepreneur Éric Mésidor, proche de l’ancien député Germain Alexandre, qui avait eu à exécuter, sans appel d’offre, les travaux de canalisation de la route. Des maisons ont été vandalisées par une rétrocaveuse, qui serait la propriété d’Eric Mesidor. Une source dont on tait le nom pour des raisons de sécurité nous révèle que ce projet serait lié au vaste programme de corruption dénommé «Karavàn chanjman» du feu président Jovenel Moïse.

Si certaines personnalités comme Jean Samson Limongy, ex-maire de Petit-Goâve, Franck Célestin, ingénieur du MTPTC, ont répondu à l’invitation du substitut du commissaire du gouvernement d’alors, Me Jonas Bertrand, en revanche d’autres comme l’homme d’affaires Eric Mésidor et l’ex-député Germain Fils Alexandre ne se sont jamais présentés, malgré deux invitations.

Selon un habitant de l’Avenue Solidarité qui réclame l’anonymat, contacté par la rédaction : «Se yon bon nouvèl lè m te aprann ULCC reyaktive dosye a. M ap tann rezilta». Il dit souhaiter que la lumière soit faite autour de cette affaire et que les victimes soient dédommagées.

De mars à avril 2024, dans le cadre de notre enquête, nous n’avons pas pu nous entretenir avec les membres du CORIAS. Ces derniers ont refusé de se confier à nous et nous ont promis de nous contacter au moment opportun. Toutefois, selon l’avis d’un juriste qui connaît bien le dossier, le parquet de Petit-Goâve fera bientôt l’objet d’une plainte pour corruption auprès de l’ULCC dans le cadre de cette affaire. Car, dit-il, le commissaire Jonas Bertrand n’a pas fait ce que de droit dans ce dossier comme chef de la poursuite et défenseur de la société. Il aurait forcément des intérêts personnels dans cette affaire.

Nous terminons notre premier article dans le cadre de ce dossier en reprenant le slogan de mobilisation des riverains indignés de l’Avenue Solidarité : «Se pou wout la fèt. Se pou wout la byen fèt. Pou travayè yo byen touche. Pou viktim yon jwenn jistis ak reparasyon. Pou mimi yo pran kout frèt lalwa».

Le contenu intégral de la plainte du CORIAS déposée à l’ULCC le 27 juin 2019

Nous, les membres du Comité des Riverains Indignés de l’Avenue Solidarité, saluons le courage et le sérieux de l’institution que vous dirigez, participant à une lutte acharnée contre la corruption en Haïti conformément au décret du 8 septembre 2004.
Aussi, profitons-nous, par la présente, de porter plainte contre tout un réseaux mafieu qui participe à l’exécution d’un projet opaque (l’aménagement d’un chemin d’exploitation de la 12e section de la commune de Petit-Goâve, dénommé “Avenue Solidarité”). Il s’agit, entre autre, de notre modeste contribution à la lutte de “déchampoélisation” de la chose publique dans le pays.
Plusieurs motifs justifient notre soupçon de corruption et le fait de penser qu’une intervention urgente de l’ULCC participerait à limiter les supposés crimes financiers en cours:

Monsieur le Directeur,

Le projet est lancé en toute opacité.

Malgré notre pétition (du 04 février 2019) auprès des acteurs du projet pour réclamer des informations selon les lois en vigueur portant sur la prévention et la répression de la corruption, ils ont choisi de nous mépriser comme n’ayant compte à rendre à personne.

Les tentatives de division des membres de la communauté; les actes d’intimidation et menaces dont nous sommes victimes de la part de certains partisans du Député Germain Fils Alexandre en guise d’explication.

Ils ont procédé à des démolitions manu militari dans le mépris total des lois de la République portant sur l’expropriation pour cause d’utilité publique, en laissant entendre qu’il n’y a pas assez d’argent pour accompagner, voire dédommager les victimes.

L’ingénieur Franck Célestin, sur le terrain pour le MTPTC a “avoué” finalement au public que c’est un certain Eric Mésidor qui a trouvé le contrat pour réaliser le travail de drainage dans le projet. C’est le supposé firme de M. Mésidor qui a procédé à la démolition des biens immeubles (sous la supervision de l’ingénieur Franck Célestin) et a expédié son ouvrier pour abattre les arbres de plusieurs propriétés de la zone. Personne n’est au courant de la passation de marché public qui conduit jusqu’à l’homme d’affaire en question.

Le défaut de qualité dans le travail de drainage en cours (après consultation de plusieurs ingénieurs de la communauté) et le fait de payer des ouvriers en dessous du salaire minimum nous interpellent.

Des informations recueillies auprès des autorités municipales et d’autres membres de la Mairie de Petit-Goâve sur le manque de transparence du projet pour eux-mêmes ne pouvaient nous laisser indifférents.

L’arrêt de l’exécution du projet sans explication.

Le flou sur l’origine et le cadre de l’exécution du projet (un ingénieur proche des exécutants nous a confié qu’il s’agit du programme de la Caravane Changement du Président Jovenel Moïse, en évoquant un montage vidéo qui aurait été réalisé avec des images du chantier pour la propagande dudit programme présidentiel ; d’autres personnes s’efforcent de nous faire croire que le projet s’exécute dans la rubrique des fonds communaux alloués aux élus locaux). L’un ou l’autre? ou un mixage? On nous doit des informations et non des rumeurs.

L’acte de tractation du Député Germain Fils Alexandre avec M. Yvon Charlot alias Ti Ble (ce dernier a dénoncé l’Honorable plus d’une fois à la radio). D’autres tentatives de tractations de certains partisans du Député (qui espéraient un arrêt des revendications) avec un membre du comité.

Les différents actes d’abus de fonction de l’ingénieur du MTPTC (M. Franck Célestin) réprimé par la loi anti-corruption du 12 mars 2014 en son article 5.5. Aussi avons-nous soupçon de trafic d’influence, de favoritisme et de passation illégale de marché public condamnés par cette même loi dans ses articles 5.9, 5.10 et 5.12.

Enfin, le récent rapport de la CSC/CA sur la dilapidation des fonds Petrocaribe nous met en garde contre le mode opératoire irrégulier et corrompu du MTPTC.

Nous sommes déterminés à agir au nom de la société qui n’en peut plus des attitudes corrompues des responsables de deniers publics et de tous les acteurs impliqués dans des crimes financiers à travers le pays. C’est pour cela, confiant à cause de la qualité des réalisations de l’ULCC en matière de combat contre la corruption, nous frappons avec assurance à votre porte dans l’espoir que les résultats de l’agir de l’institution que vous dirigez puissent servir la société en général et l’affaire de l’Avenue Solidarité (en particulier), déjà par devant le Commissaire du Gouvernement près le Tribunal de Première Instance de Petit-Goâve (pour abus d’autorité et violation du droit à l’information).
Comptant sur le traitement de notre plainte en vertu de la gravité et de l’urgence de l’affaire (étant de nature pénale), nous, les membres du Comité des Riverains Indignés de l’Avenue Solidarité, vous prions de recevoir, Monsieur le Directeur Général de l’ULCC, nos salutations les plus cordiales.
Fraternellement!

Colbert Pierre, enseignant retraité
Me Jacob Jean-Jacques, Maître en éducation, enseignant
Roosevelt Théodore, Typographe
Lory Carmeleau Loiseau, Artisane et cuisinière

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