Ce que je ne dirai ni à Jean-Jacques ni à Jacob
«Je dis tu à tous ceux que j’aime.»
Jacques Prévert, en Paroles
Jacob, peut-être il fait chaud là où tu es mais je nomme enfer là où je suis. Toi, je t’appelle poète qu’on emmerde comme on fait du tort à ses rêves et l’opérateur culturel trop avide à donner son âme pour l’émancipation des jeunes, pour que le livre soit devenu culture qui prime dans la communauté.
Je me rappelle tes ateliers d’écriture et de lecture qui ont nourri la créativité chez nous. Des souvenirs et des souvenirs. Des moments partagés qui nous lient en une petite phrase ou histoire. De beaux souvenirs qui ont été des sûrs prétextes pour essayer de lutter avec la littérature. Je me demande ce que vont devenir ces mœurs fructueuses à ton absence que tout le monde ressent au fond d’eux dans la ville?
Je crois que tu as reçu trop de témoignages. Pas la peine de témoigner ton amour envers nous, les jeunes de la ville, mais à travers les expressions «merci infiniment» et « tu nous manques», se tiennent notre amour sans pareil. Je ne sais pas combien de livres tu as laissé, c’est qu’un jour je volerai quelques-uns qui ne seront ni de Rousseau, ton éducateur préféré, ni de Dany Lafferière, ton écrivain, et ni de Dorvensca, le pur produit de l’ANA comme tu la considères. Tu vois, une belle blague qui réduit à la plus basse échelle de ta passion pour la littérature.
Jacob Jean-Jacques, quel nom colle-t-on à côté de ce grand homme ? Quel qualificatif doit-on utiliser ? Mille et une personnes diront que tu es un immortel, sûrement Adelson Elias t’écrira un poème qui commencera par «l’immense Jacob». Moi, j’ai la peine à te qualifier comme humain de par ton acharnement, ton engagement en tant que citoyen, ta folie poussée à bout pour la vie. Pourtant, certains de nos amis communs te nomment avec audace. D’un côté, il y a Penn Yserve qui t’appelle «Pater Esperanza», Fabrice qui t’appelle Jacob Jean-Jacques et Caleb Shakespeare t’appelle Damballah (ce mot sonnera mal quand tu auras le temps de lire la lettre)… moi, je te désigne le plus brillant des professeurs. Je dirai plutôt que tu es de ce genre d’hommes que la prospérité et la bonne mémoire choisit.
On pense tout le temps à ton verbe, ton honnêteté ; ton pouvoir politique a réuni les gens, sans dérangements dans leurs diverses conceptions de la vie, de l’amour, des normes et de la moralité. Sinon, la rage de vivre de Caleb Shakespeare qui fait de lui l’actif viveur, dérangerait à ta personne (pourtant ce n’est pas le cas). Réceptif, ego d’enfant intelligent, humilité sont les mots qui raccourcissent ta biographie. Pépé a choisi Ramsès pour te déifier. Dorvensca, Prince Noir et Gregory Baudin t’ont mis à la hauteur de Prométhée. Je ne nie pas le sens de ces déclarations mais tous les bons mots fusent à toi. Tous les beaux souhaits, tous les sensibles mots et gestes poétiques sont pris au filet de ta bonté. Pour Samuel Clermont, tu es un Dieu littéraire et Amy te prend pour Créavus. Tu vois, il y a ceux qui te choisissent comme Dieu et ceux qui te choisissent comme Jean-Jacques Jacob, cet homme qui a vulgarisé la lecture dans la ville de Dany Laferrière… qui dit mieux à propos de ta personne ? Ton Dieu. Ton Dieu d’amour, ton sauveur. Ce n’est pas le temps de parler de ta foi, par conséquent, tu sembles le plus chrétien des intellectuels du pays. Tu te souviens de ce 18 décembre où tu n’avais bu qu’une bouteille d’eau au lieu d’un millions de litres d’alcool après s’être saoulé pour parler de la littérature comme la tendance du milieu voit le fait d’être un écrivain libertin. Certains, comme les faux déviants, rêvent que tu sois de ceux de la marge qui ont lu les poètes maudits ou encore comme un poète qui profite du temps, qui marche sans voir le sérieux…tout ceci n’est pas foutaise, tu verras toujours mon manque d’éducation.
J’ai d’autres choses à te dire…on ne dit pas tout quand on écrit…surtout lorsqu’on est pris en ôtage.
Il y a ceux qui te voient tel Dieu et ceux qui te choisissent comme Jean-Jacques, cet homme qui a vulgarisé la lecture dans la ville de Dany Laferrière. Aujourd’hui, peut-être le jour de ton anniversaire, mais je célèbre ta sensibilité humaine à chaque pas d’une aiguille.
Il est 10h 10 minutes. Je viens de lire un article qui annonce la mort de Pierre Michel Chéry. C’est une perte considérable pour la littérature créole et une triste nouvelle pour toi qui va fêter ton anniversaire demain, ce 26 mai qui marque tes 36 ans de gratitude envers Dieu et le livre. Je connais ton amitié avec cet écrivain et amour pour Bèbè Gòlgota, ce livre que tu m’as fait lire en nouveau secondaire. Jacob, tu as construit des écrivains et des hommes pour l’avenir en tenant compte de la morale et des règles établies. Un homme comme toi mérite une fête nationale.
Passeur de livres, la lecture est au centre de ton intérêt. Elle est ta cause, ta mission semblerait celle de donner passion à la lecture. Je t’offre mille mots au lieu d’un cadeau pour cela. Si cette lettre est mal écrite, c’est juste parce qu’ANA a fermé trop tôt sa porte.
Kerby Vilma