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Le pays est à nouveau lock: mais cette fois ci, sans barricades

L’année 2018 fut exceptionnelle. 6,7 juillet en est l’ultime exemple. L’année 2019 en fut une aussi : trois mois successifs de pays lock, des cas d’assassinats outranciers, de tueries sans précédant, un parlement badigeonné de matière fécale, un parlementaire transformé en cow boy pour tirer inconsidérément sur son entourage, des journalistes et manifestants-tes lâchement abattus, des sénateurs soupçonnés de kidnapping, des policiers métamorphosés en macoutes, adultes ainsi que des enfants sont portés disparus, l’hémorragie de la gourde par rapport au dollar américain, un Président “bannann”, un premier ministre “lapen“ démissionnaire mais toujours en poste et un premier ministre “kabrit” déchu, des policiers se soulèvent contre leur mauvais traitement pour la première fois depuis après la création de l’Institution, de grandes Institutions commerciales ferment leurs portes, des présumés bandits transformés en stars, survient des disaines de milliers de citoyens contestataires (tout secteur confondu) qui protestaient contre l’administration en place, contre la corruption, la cherté de la vie et contre l’insécurité (dans tous les sens du terme). Ce fut une année vraiment exeptionnelle.

L’année 2019 était longue. Mais au final on est en 2020. Finis les mauvais souvenirs. Oublions le passé, comportons nous mieux pour avoir un meilleur présent, une meilleure année 2020. Notre espoir est de croire qu’on peut respirer un nouvel air, un oxygène sans odeur de pneus brulés. Des opposants de l’administration en place qui ne voulaient pas s’asseoir tête-à-tête avec Jovenel pour dialoguer, ont du changer d’avis ; ce sont eux qui demandent maintenant le dialogue. Des protestataires qui ne voulaient pas la réouverture des classes avec Jovenel, changent de position : “ il faut que les enfants aillent à l’école”. On dirait une année différente de celle qui la precède.

Et boom ! Une autre forme de pays lock survient. Avant, c’était les barricades qui nous empêchaient de sortir de chez nous, d’aller à l’école, au travail, de visiter nos ami-e-s… Maintenant c’est tout autre chose. Ce n’est plus les barricades physiques d’avant. Nouvel an, nouvelles technologies. C’est maintenant l’ère des barricades mentales. Les rues sont vides, sinon que quelques voitures et piétons, mais personne ne veut sortir. La meilleure prudence est de limiter nos déplacements le mieux que nous puissions. Les enfants qui risquent d’aller à l’école, 13 heures ils ne sont pas encore rentrés chez eux, c’est de la peur que leurs parents ont dans le ventre. On s’iquiète pour les moindres retards inhabituels. Partout les ami-e-s, les parents, les collègues, les camarades s’appellent à la prudence. C’est de la peur au total.

Vous n’avez pas été au supermarché récemment pour vous procurer du nécessaire à manger pour une ou deux semaines, rien ne vous avait prévenu que la situation serait ainsi. Ceux et celles qui y etaient, n’ont malheureusement pas assez de moyens pour s’en procurer assez. Vous devez vivre, sinon survivre, mais si vous restez enfermer chez vous en permanence, de quoi nourrirez vous? Vous devez quand même sortir à la rencontre de la vie. Mais sortir à la recherche de la vie peut passer en “perte de vue” , sinon la découverte de votre cadavre.

Quand vous marchez, il ne faut pas que quelqu’un vous vienne en face. Ça donne la trouille. Quelqu’un vous vient de dos, vous frémissez. Surtout pas à votre droite, à votre gauche non plus. Quelqu’un vous regarde. Ça nuit. Une personne derrière vous marche vite. Vous sentez déjà des larmes tièdes qui coulent au creux de votre estomac. Quelqu’un devant vous ralenti ses pas. Vous avez déjà envi de changer de destination. Il faut que vous restiez seul. Mais, vous oubliez que la solitude peut refroidir le coeur plus que jamais.

Vous rencontrez quelqu’un sur votre chemin. Vos regards se croisent. Vous vous paniquez. Lui aussi aussi se panique d’avoir ignorer le pourquoi de votre regard. Les gens qui vous voient paniquer se paniquent de leurs côtés. L’un de vous fait un geste brusque, encore moins si un chien aboit soudainement. Tout le monde met la voile sans aucune destination fixe. Le mieux c’est de s’éloigner de la scène. Pis encore, un mec vous dit bonjour. Vous ne connaissez pas son visage. De surcroît, il est dread et il a des anneaux aux oreilles. Votre coeur se met à battre à la vitesse d’une mitrailleuse. Vous voyez la mort vous vient en face. Vous l’entendez vous appeler. La seule chose qui vous vient en tête est de courir. Mais, courir pour aller où?

En moyenne, au moins deux (2) personnes se font enlever par jour. Jadis, il fallait être le fils ou la fille d’un grand prélat, une grande personalité politique, médiatique, un bourgeois, un homme d’affaire, une femme d’affaire, un prêtre religieux riche, un mulâtre… pour que les yeux des kidnappeurs puissent se braquer sur vous. Maintenant même les cireurs de chaussures ne sont pas épargnés. On est tous ciblés. Quelque soit notre statut économique et social.

Tout le monde craint tout le monde. Avant, les kidnappeurs étaient en majorité des gens venus de la masse, souvent des noirs, maintenant tout le monde peut être kidnappeur ; les noirs ainsi que les blancs, les riches ainsi que les pauvres. Les kidnappeurs d’aujourd’hui sont aussi chics que les personnes qu’ils enlèvent. Leurs voitures sont aussi luxieuses que celles des gens qu’ils enlèvent. Personne ne peut les identifier. Ils ressemblent à personne et à tout le monde en même temps.

Pensant à toutes ses choses frustrantes, vous marchez à la vitesse de Kirikou pour rentrer chez vous, “there’s no place like home”. Mais la distance est trop longue pour prendre la route à pied. Vous vous souvenez vite fait des conseils circulants à tort et à travers les réseaux sociaux : “pas la peine de prendre de taxis si vous ne connaissez pas le chauffeur. Surtout pas de motocyclettes ! Pas de bus non plus ! Encore moins les camionettes !” Rien est sécuritaire. Vous sentez la vertige, vous avez l’impression que votre tête tourne à la vitesse de la rotation de la terre autour du soleil. Vos pieds ne touchent plus le sol.

Dieu merci ! Finalement chez vous. Vous n’avez pas pu utiliser votre smartphone dans la rue. Non seulement par peur de vous distraire, mais aussi par peur de donner l’apparence d’un riche. Car, vous risqueriez trop de vous faire enlever. Finalement chez vous. Fini les gênes avec votre téléphone. Vous l’avez sorti de la poche, mais vous fuyez les réseaux sociaux. Plus de jolies photos sur WhatsApp, encore moins sur Facebook. La discretion est la meilleure des prudences. Sur les statuts de WhatsApp, et sur les fils d’actualité de Facebook vous voyez une photo apparemment effrayante, surtout si elle s’en suit d’un texte de six lignes comme légende. Vous passez vite là dessus pour ne pas avoir à le lire. C’est peut être une mauvaise nouvelle. Vous en avee assez des mauvaises nouvelles.

Pour vous défouler, vous avez envie de boire quelques bières dans le bar le plus proche de chez vous. Pas la peine d’inviter vos ami-e-s. Vous avez peur que quelque chose de mal leur arrive au cours de la route. S’ils se font enlever, vous aurez ça sur votre conscience. De surcroît, vous serez aussi le principal suspect. Personne ne se confie à personne. Telle la formule du moment. Partout ça va mal. Les médiats en parlent. Sur les réseaux sociaux ça devient monnaie courante. Tout le monde hésite de sortir. Ça pue à Port-au-Prince ! Le pays est à nouveau lock. Mais cette fois ci, sans barricades.

Jim LAROSE

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