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La surprenante libération de Serjo MASILLON, un soldat des FAd’H, accusé de vol de voiture à mains armées

(TripFoumi Enfo) – Le climat sécuritaire que confronte le pays préoccupe le Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH). Le système judiciaire haïtien aussi. En effet, après la surprenante libération de Serjo MASILLON, un soldat des Forces Armées d’Haïti (FAd’H), accusé entre autres de vol à mains armées, d’association de malfaiteurs et de possession d’armes illégales, l’organisation de défense des droits humains tire la sonnette d’alarme et sollicite auprès des autorités judiciaires des enquêtes rigoureuses sur le comment et le pourquoi de la libération de ce criminel présumé.

La rédaction de TripFoumi Enfo vous invite à lire au complet le communiqué du RNDDH dans les lignes ci-après. ⤵️⤵️⤵️

Libération d’un individu interpellé dans un dossier de vol de véhicule à mains armées : Le RNDDH sollicite une enquête de l’inspection judiciaire

  1. Le Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH) est particulièrement préoccupé par la dégradation de la situation générale des droits humains dans le pays et par la perduration de la crise sociopolitique.
  2. Les nombreux cas d’enlèvements suivis de séquestration contre rançon, les cas d’assassinats ainsi que les guerres et attaques armées perpétrés par des bandits armés jouissant de la protection des autorités étatiques, le dysfonctionnement de l’appareil judiciaire haïtien, l’impunité érigée en système, l’incapacité des autorités à assurer l’acheminement régulier et sécuritaire des produits pétroliers dans les stations de service, la hausse des produits de première nécessité due à l’indisponibilité du carburant, etc., prouvent que les bandits armés sont aux commandes. Additionné à cela, chaque jour l’inédit se produit : Des enlèvements spectaculaires se font dans les domiciles des victimes et en moins d’une semaine, deux (2) élèves ont été atteints de projectiles alors qu’ils se trouvaient dans l’enceinte même de leur établissement scolaire distinct. Ce sombre tableau de la réalité quotidienne prouve de manière fracassante, l’incompétence caractérisée des autorités au pouvoir.
  3. Cependant, même si la situation sommairement décrite ici demeure inquiétante, le RNDDH estime que rien n’est plus ahurissant que l’implication active des autorités judiciaires dans la violation des droits humains. Les exemples sont nombreux mais, le cas le plus récent sur lequel le RNDDH s’est penché, retient particulièrement l’attention :
  4. Le 15 octobre 2020, vers 20 heures 30 le journaliste Widlore MERANCOURT se trouvait devant les locaux de son bureau à Bourdon, lorsque deux (2) individus armés lui ont intimé l’ordre de monter dans son véhicule, de marque Suzuki Vitara, de couleur grise, immatriculé BB 95936. Quelques mètres plus loin, Widlore MERANCOURT a été sommé de descendre de sa voiture et, ses agresseurs l’ont alors menacé de le tuer. Cependant, dès qu’il a mis les pieds à terre, ils ont démarré la voiture et sont partis.
  5. Le lendemain, Widlore MERANCOURT s’est rendu successivement au Commissariat de Port-au-Prince, à la Direction Centrale de la Police Judiciaire (DCPJ) où après avoir été auditionné une première fois, il a été emmené à la Brigade de Lutte Contre le Vol de Véhicule (BLVV) où il a fait sa déposition avant de se rendre à l’Office d’Assurance Véhicules Contre Tiers (OAVCT).
  6. Le 30 septembre 2021, Widlore MERANCOURT se trouvait dans un taxi à l’Avenue Martin Luther King lorsqu’il a vu passer son véhicule. Immediatement, il a alerté une patrouille policière qui a procédé à l’interpellation du conducteur. Ce dernier, Serjo MASILLON, s’est présenté comme étant un soldat de l’Armée de Jovenel MOÏSE. Il a été retrouvé avec en sa possession une arme de calibre 9 millimètres de marque Walther, qui n’est ni son arme de service – puisque ce ne sont pas ces armes qui sont distribuées aux soldats – ni enregistrée à son nom. Une nouvelle plaque d’immatriculation a été retrouvée sur le véhicule : BB 28187. Cependant, après vérification des numéros de série du moteur du véhicule et du châssis, il s’est avéré que celui-ci appartient effectivement à Widlore MERANCOURT.
  7. Serjo MASILLON a été arrêté et emmené au sous-commissariat du Canapé-Vert sous le chef d’accusation de vol de véhicule. Son dossier a été transféré à la Section Départementale de la Police Judiciaire – Ouest (SDPJ – Ouest). Parallèlement, le parquet près le Tribunal de Première Instance de Port-au-Prince a été saisi.
  8. Le 14 octobre 2021, une délégation de pouvoir a été octroyée à la SDPJ, pour une période de trente (30) jours, par le substitut commissaire du gouvernement près le Tribunal de première Instance de Port-au-Prince, Me Orange ROMAIN.
  9. Le 29 octobre 2021, le substitut commissaire du gouvernement, Me Gérald Belony NORGAISSE a émis un ordre de libération en faveur de Serjo MASSILLON.
  10. Le RNDDH s’est entretenu avec ce dernier qui a affirmé que cette libération survient après une audience en habeas corpus qui s’est tenue le 20 octobre 2021, avec la participation du substitut commissaire Me Québex JEAN comme représentant du ministère public. Tout de suite après cette audience, le substitut commissaire Québex JEAN est parti en vacances. C’est ce qui explique, selon le substitut Gérald Bélony NORGAISSE, pourquoi c’est lui-même qui a signé l’ordre de libération.
  11. De son côté, le doyen près le Tribunal de Première Instance de Port-au-Prince, Me Bernard SAINVIL a personnellement présidé la séance en date du 20 octobre 2021 pour connaître de cette action en habeas corpus qui a été intentée par les avocats de Serjo MASILLON.
  12. Le traitement de ce dossier par le Parquet près le Tribunal de Première instance de Port-au- Prince laisse le RNDDH perplexe :

• Un premier substitut commissaire du gouvernement, Me Orange ROMAIN, donne à la PNH une délégation de pouvoir pour enquêter sur un dossier qu’il juge de la plus haute importance. Il attend encore les résultats de l’enquête sollicitée.

• Un deuxième, Me Québex JEAN, siège dans une audience en habeas corpus dans le cadre du même dossier. Sans tenir compte de cette délégation de pouvoir et de l’intérêt du Parquet réputé « un et indivisible », il donne son avis favorable pour la remise en liberté de Serjo MASILLON alors que le plaignant est bien connu et s’est manifesté à plusieurs reprises.

• Un troisième substitut, Me Gérald Bélony NORGAISSE signe l’ordre de mise en liberté.

  1. Pour sa part, le doyen près le tribunal de première instance de Port-au-Prince, Me Bernard SAINVIL, ne cessera d’étonner les justiciables et le RNDDH par son comportement : célère dans le traitement de certains dossiers et très nonchalant, pour d’autres, il n’a besoin que de quelques heures pour statuer sur le dossier de l’officier de l’Armée Serjo MASILLON et de dix-sept (17) jours pour se prononcer sur l’action en habeas corpus, intentée par les avocats du policier Abelson GROS-NEGRE.
  2. La célérité de la juridiction de première instance de Port-au-Prince n’a même pas permis aux magistrats d’attendre les résultats de l’enquête de la SDPJ qui, n’ayant pas été mise au courant de la libération de Serjo MASILLON, continue de compiler des informations relatives à ce cas de vol de véhicule à mains armées, association de malfaiteurs, menaces de mort et détention illégale d’armes à feu. Or, il s’agit de cette même juridiction où sont localisées trois (3) prisons qui, au 29 septembre 2021, accusent un effectif de quatre mille-onze (4.011) personnes dont trois mille-six-cent-dix-huit (3.618) en situation de détention préventive illégale et arbitraire. Ces personnes croupissent en prison depuis plusieurs années et auraient donné ce qu’elles ne possèdent pas pour bénéficier de cette même célérité des magistrats.
  3. La juridiction de première instance de Port-au-Prince s’étant mobilisée pour libérer rapidement Serjo MASILLON sans tenir compte de la plainte déposée par Widlore MERANCOURT, le RNDDH remet la vie de ce dernier aux mains du doyen Bernard SAINVIL et des parquetiers Québex JEAN et Gérald Bélony NORGAISSE.
  4. Le RNDDH recommande aussi au Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ) et à la Direction des affaires judiciaires du ministère de la Justice et de la Sécurité publique d’entamer enfin ce processus tant attendu de certification de tous les magistrats, juges et parquetiers, de première instance de Port-au-Prince. Il invite aussi le CSPJ à porter une attention particulière à la gestion du décanat par le doyen Bernard SAINVIL.

RNDDH
Port-au-Prince, le 8 novembre 2021

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