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“Il y a une lutte constante contre l’intelligence dans ce pays”, affirmait le professeur Lesly François Manigat

(TripFoumi Enfo) – Après avoir regardé une vidéo dans laquelle un soi-disant journaliste humilie sur son plateau un jeune diplômé d’une Université de la capitale, le constat du professeur Lesly François Manigat par rapport à l’épistémophobie remarquée chez certaines gens reste intact, et bien des faits peuvent être utilisés pour justifier cela.

L’économiste Dr Thomas Lalime (2020), dans son article paru dans le quotidien Le Nouvelliste, intitulé “un cabinet ministériel composé d’exécutés de la République”, a su démontrer un visage d’Haïti qui a boyé des vies sur lesquelles on aurait pu compter pour donner une autre trajectoire au pays. Le papier de M. Lalime a vu le jour dans un contexte particulier : assassinat de l’éminent professeur de Droit constitutionnel, Me Monferrier Dorval.

Cet article aurait dû susciter une prise de conscience chez nous, les Haïtiens, pour éviter de tels gaspillages de cadres. Le texte aurait du être utilisé pour alimenter un débat : avoir des diplômes en Haïti, c’est être mûr pour la morgue. Plus vous êtes formé, plus “yo ba w bwa long”. Si vous n’êtes pas venu servir le système, vous êtes automatiquement une cible à abattre, selon l’historien Lesly François Manigat.

Près de deux mois après l’exécution de Me Dorval, Bâtonnier de l’Ordre des Avocats de Port-au-Prince, l’étudiant finissant à l’École Normale Supérieure (ENS), Grégory Saint-Hilaire, a été atteint d’un projectile dans le dos à l’intérieur même de la faculté. Il a rendu son dernier soupir à l’Hôpital de l’Université d’État d’Haïti (HUEH). Des agents de l’Unité de Sécurité Générale du Palais National (USGPN) ont été accusés dans ce meurtre. L’enquête se poursuit, et rien.

Le 16 octobre 2021, le professeur d’université Patrick Michel Derenancourt a été kidnappé à la rue Cameau, Port-au-Prince. 14 jours après, les ravisseurs l’ont tué puis l’ont enterré. Cette nouvelle, celle de la perte d’un érudit à cause de l’insecurité, avait touché la petite communauté universitaire, mais ça n’avait fait ni chaud ni froid aux autorités haïtiennes. Donc, à la liste des exécutés, s’ajoute le nom de Patrick Michel Derenoncourt.

Haïti bouge au gré des balles et d’enlèvement. L’exacerbation des actes d’insécurité pousse le dos des Haïtiens vers d’autres terres. Si certains ont eu la possibilité de voyager par avion, d’autres, clandestinement, le font par mer. Au moins une trentaine d’Haïtiens, dont des diplômés, périssent régulièrement dans les eaux, soit à Cuba ou à Porto-Rico. Pourquoi cette lutte constante contre l’intelligence dans ce pays ?

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