Se démarquer en remettant un ouvrage hors pair est le propre de l’humain, un idéal auquel aspire tout professionnel. Pour cela, il faut bien du talent, de la rigueur, une certaine discipline imposée à soi-même. Le talent seul ne suffit pas, vous l’aurez compris. Il faut continuellement le peaufiner. Celui dont on va parler est l’exemple parfait d’un talent poli. Il est le fondateur du média en ligne Jeu Sans Ballon. C’est un maître qui fait exceller ses élèves dans la compréhension du football. Il s’appelle Grégory Bleu-Ciel.
Ses mots nous campent un personnage à la fois simple et complexe, un combattant, un sculpteur dont l’œuvre la plus précieuse est sa personne. ‘’ J’ai construit chaque marche devant supporter le poids de mon corps. Je suis un artiste dans l’âme, et j’en ai conscience depuis mon plus jeune âge ‘’, se présente le journaliste sportif qui se dit aussi reconnaissant de son passage au Petit Conservatoire de Daniel Marcelin. Ce dernier étant une icône de l’art dramatique haïtien, Grégory aura énormément appris de lui.
Également détenteur d’un diplôme en journalisme décerné par l’ISNAC, celui qui incarne Foufou et Moumou pour commenter l’actualité sportive a plusieurs cordes à son arc : producteur télé, journaliste sportif et culturel, comédien et réalisateur, autodidacte s’il-vous-plaît ! Il se décrit comme un passionné de littérature, de philosophie, de cinéma et surtout de football. Cette dernière passion, il la vit à fond et au quotidien avec ses ‘’ Pleziyis ‘’- comme il aime bien appeler ses fans. À travers les différentes rubriques de Jeu Sans Ballon, l’homme aux multiples chapeaux repeint la chronique sportive en Haïti et en fait un art, tant ses analyses et ses prédictions ‘’ calculées ‘’ sont d’une finesse pure. Sa plateforme est un espace d’échanges sincères entre fans et connaisseurs, une tribune d’apprentissage et de leçons de vie ponctuées d’humour.
Son parcours à la télévision, déjà derrière lui
Une bonne partie de la population haïtienne le connaissait à travers des émissions sportives alors diffusées sur Storm TV et Télé Métropole. À la question de savoir pourquoi on ne le voit désormais que sur les réseaux sociaux, l’ancien collaborateur de Canal+ en Haïti a répondu ceci : ‘’ Faire de la télé est devenu très difficile en Haïti. La situation du pays a mis à genoux même un média comme Télé Métropole, c’est du moins ce que le Directeur de cette station m’a laissé croire. Il était obligé d’arrêter la diffusion de l’émission sportive Métro Foot bien avant le dernier Mondial. Ce qui explique qu’évoluer en Haïti est une chose, et trouver un climat propice pour le faire, c’en est une autre ‘’.
Comme on vous l’a présenté plus haut, Grégory n’est pas ce professionnel cantonné sur un seul front. Il ne fait pas que le dire, il agit aussi et surtout. Pendant un certain temps, il présentait Billboard, une émission socioculturelle qu’il avait lui-même conçue et qui avait créé son monde. Mais cette initiative aussi s’est malheureusement arrêtée en chemin. ‘’ Les émissions de Billboard ne seront plus diffusées sur la télévision Métropole. Difficultés pécuniaires, manque d’encadrement et d’estimation, ces causes, entre autres, ont eu raison des quatre ans de collaboration entre le staff de ce programme socioculturel et la chaîne 52. ’’, quand ils ont lu cet extrait paru le 21 juillet 2020 dans les colonnes du quotidien Le Nouvelliste, les fans, stupéfaits, devaient réapprendre à vivre sans cette petite touche qui colorait leur petit écran. Grégory a une petite explication : ‘’ Comme je l’avais déjà dit dans une interview, j’avais décidé d’arrêter la production de Billboard parce que les efforts consentis pour l’accoucher n’étaient appréciés ni par le média qui la diffusait ni par le public qui la consommait. On avait choisi le mauvais canal. Peut-être qu’un jour je vous parlerai de mon parcours dans un livre et vous raconterai cette histoire en des termes plus explicites ‘’.
Grégory Bleu-Ciel sur les réseaux sociaux, un don innommable
Il lui reste très certainement du chemin à parcourir, mais c’est un personnage très apprécié sur les réseaux sociaux ; ses interventions sur la plateforme Jeu Sans Ballon sont grandement estimées. Comment Grégory vit-il cet accueil ?
‘’ Je pensais qu’une bonne partie du pays me connaissait vraiment jusqu’à-ce que les circonstances m’aient contraint à produire pour les réseaux sociaux. À partir de ce moment-là, j’ai réalisé que j’avais tout faux. Il était temps que je me réveille de cette illusion. Maintenant, sur les réseaux sociaux, j’ai le profond sentiment que je travaille pour mes compatriotes haïtiens, et j’en vois directement les retombées. ‘’
Ses débuts
C’est un Grégory décontracté qui se livre à notre rédaction de TripFoumi Enfo : ‘’ Tout a commencé alors que je me trouvais sous la galerie de ma maison, à Delmas. Un son sur mon portable allait étonnamment m’inspirer ce jour-là. J’avais à côté de moi mes livres de littérature et de philosophie, c’était comme un rituel. Et soudain, j’ai commencé à parler au rythme du son. J’ai finalement compris que j’avais en moi quelque chose de spécial : ma voix. Je dois aussi avouer que mes amies de l’époque étaient nombreuses à me féliciter sans cesse pour mon timbre. Elles m’appelaient rien que pour m’entendre parler ‘’.
C’est grâce à ce déclic que nous avons là Grégory, et ce monsieur se donne à son public. Autant que certains de ses pairs, il a une mission qu’il confie sans langue de bois : ‘’ Continuer à avoir une voix qui compte, car Haïti a besoin de gens qui soient capables et veuillent prendre leurs responsabilités. Et cela doit passer par l’acceptation de sa mission et l’engagement à s’adresser à plus de gens chaque jour ’’. ‘’ Nous avons trop de personnes compétentes qui doutent, et d’incompétents confiants ‘’, regrette-t-il. ‘’ En revanche, je dois admettre qu’évoluer sur les réseaux sociaux nécessite beaucoup de courage. Nous avons tous accès à cette arme puissante qu’est la parole. Mais dans un pays où beaucoup de personnes ont de sérieux problèmes de communication, il est d’autant plus crucial de maîtriser ce que l’on fait. ‘’
Grégory et sa notoriété
Sur les réseaux sociaux, on le présente souvent comme l’un des meilleurs analystes sportifs (plus précisément le football) du pays. Les fans prennent plaisir à écouter ses arguments et s’en servent pour alimenter des débats entre-eux. Des témoignages d’amour qui arrivent jusqu’à lui et qui, forcément, ne le laissent pas indifférent : ‘’ Cela nourrit davantage ma motivation à continuer. Continuer de travailler dur pour ne pas décevoir ceux qui croient en moi. Aujourd’hui, je peux le dire sans risque de me tromper, il y a encore plus de personnes qui me connaissent et apprécient mon travail. C’est là le pouvoir des réseaux sociaux, je me répète ’’.
Pour ce qui est de l’attitude des gens vis-à-vis de ce qu’il fait, Grégory a encore trouvé les mots justes : ‘’ Une envie d’écouter avant de juger. En même temps, il faut admettre que certaines personnes ne comprendront jamais le travail que vous faites peu importe comment vous le faites, mais d’autres le comprendront naturellement. Mon travail, je le sais, n’est pas simple. Il est porté par ma philosophie et truffé d’imperfections inhérentes à ma personne. Mais, si quelqu’un me regarde avec amour et sans préjugés, il pourra comprendre et apprécier ce que je fais ’’. Il a beau avoir une bonne cote mais le commentateur sportif ne se voit pas trop comme un influenceur.
‘’ Un bien grand mot ‘’, hésite-t-il avant de poursuivre : ‘’ J’ai quelques personnes qui me suivent, qui aiment ma façon de jumeler le football et la vie. Cependant, je ne crois pas que cela fasse de moi un influenceur ‘’.
Jeu Sans Ballon, la plateforme qui cartonne
‘’ C’est une plateforme qui a pris naissance dans un moment difficile. L’histoire est longue mais fascinante. Je n’ai pas envie de m’étaler sur ce sujet, un livre retraçant ma vie s’en chargera. ‘’
Rencontrer ce monsieur, l’écouter parler de football ou de sa perception de la vie nous impose à tirer de lui un conseil pour la jeunesse. Cette jeunesse qui vit dans ce pays chaotique dont l’avenir s’est considérablement assombri. Cette jeunesse qui utilise justement les réseaux sociaux, vecteurs de la passion que Grégory transmet à travers Jeu Sans Ballon : ‘’ Qu’ils continuent de suivre leur cœur. La combinaison de leurs succès et échecs les mènera à l’essence de leur être. C’est la meilleure façon d’accomplir sa mission dans cette vie ! Nous ne pouvons pas tous être bons, nous ne pouvons pas tous être mauvais non plus ‘’. Son rêve ultime est de voir une révolution sans précédent en Haïti ; voir la jeunesse se dresser et siffler la fin de ce match qui a maintenant trop duré entre les corrompus et les malhonnêtes qui prennent le pays en otage.
‘’ Notre pays a trop longtemps été la risée du monde entier ‘’, déplore-t-il.
Grégory Bleu-Ciel est pour plus d’un un merveilleux présentateur, un analyste pointilleux. Ses pronostics sont parfois, très souvent, d’une exactitude bouleversante. Sa rubrique ‘’Ap toujou gen VAR’’ est l’exemple le plus percutant de ses prédictions étayées sur sa grande culture et sa compréhension du jeu. C’est un geek, un connaisseur, un fan, un enfant naïf devant le foot, et cela est contagieux !
Vous attendez tous la partie de cet article où l’on vous révèlera le nom de famille initial de Grégory. Cela nous a aussi titillés. Et le concerné y répond : ‘’ Quand j’ai décidé d’adopter le nom de famille Bleu-Ciel, ce fut le véritable catalyseur. L’école et ma relation tendue avec mon père m’ont dégoûté de mon nom de famille. Peut-être que cela avait érigé un mur entre mon âme et mon essence. Puis la lumière m’est venue, s’est imprégnée de ma personne. Quand j’ai trouvé ce nom, Bleu-Ciel, tout m’est devenu plus abordable ’’.
Trouvez votre chemin !
