Haïti

“Bwa Kale” ou la faillite de l’État !

Le sociologue allemand Max Weber, dans la logique de ce qui est, définit l’État par rapport à ce qu’il appelle la violence légitime dont il dispose. Donc, l’État comme entreprise politique à caractère institutionnel est capable d’exercer la force ou la contrainte physique, au besoin, sur un territoire déterminé pour faire respecter ses règlements. En Haïti, le constat montre une désorganisation presque totale de la société, une forme d’anomie, pour reprendre un concept cher à Emile Durkheim. Le pays, rongé par la violence des gangs armés, la corruption et la migration massive de ses fils et filles, bascule vers le chaos. Sur ces entrefaites, “Bwa Kale” est né.

Il se développe dans le sillage des mouvements nationaux, “Bwa Kale”, s’assignant pour mission de freiner le pouvoir des gangs armés à agir comme bon leur semble en tuant et enlevant de paisibles citoyens. Pensé en tant que tel, “Bwa Kale” est perçu comme une stratégie de lutte déployée par les masses populaires pour leur survie face à un État qui ne fait que banaliser leur vie pour un OUI ou pour un NON. “Bwa Kale” dit STOP à l’établissement de ce nouvel ordre dans lequel on ne saurait faire société.

Si nous réfléchissons à partir d’un autre lieu : celui du marxisme, donc en fonction de sa genèse historique. L’État est tributaire des intérêts de classe. Comme Karl Marx et Engels l’avaient défini dans le “Manifeste du Parti Communiste”, l’État a été toujours un instrument politique au service de la classe bourgoise pour sa perpétuelle reproduction presque à l’identique et pour conserver un mode de production reposé sur l’exploitation de la force du travail de certains individus.

Eu égard à cela, “Bwa Kale”, pour qu’il soit un mouvement libérateur au regard du projet révolutionnaire des marxistes, ne devrait pas seulement viser à traquer les bandits armés qui kidnappent et assassinent, mais aussi à faire tomber cet État qui est contre les aspirations de la nation comme le dit le penseur décolonial haïtien, Jean Casimir, estimant que l’État passe outre du lien social en train de s’institutionnaliser dans le processus révolutionnaire.

Quelle que soit la façon d’aborder la question, on comprend que “Bwa Kale” traduit le déplacement du monopole de la contrainte physique qui serait l’apanage de tout État fort. “Bwa Kale”, pour finir, est révélateur dans la mesure où il permet de saisir le peuple comme un acteur non négligeable.

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