Haïti

L’opulence de la mangue Francisque sur le marché local, une aubaine douce-amère

Comme chaque année, la période de récolte des mangues en Haïti s’étend généralement de fin janvier à fin août, offrant une véritable symphonie de saveurs exotiques. Parmi la diversité des variétés présentes sur les étals, la mangue Francisque (mango fransik) se distingue incontestablement en tant que souveraine des papilles. Celle-ci est particulièrement appréciée pour sa saveur sucrée et enchanteresse, sa chair juteuse et sa faible teneur en fibre.

Pour cette année 2023, il est observé que la mangue Francisque s’épanouit de manière encore plus luxuriante sur les marchés locaux, particulièrement dans la zone métropolitaine, surpassant les années précédentes. Malgré les obstacles entravant le cheminement des produits agricoles vers la zone métropolitaine, ce surplus est donc causé par le blocage des routes par les groupes armés.

Cet épanouissement est une bénédiction selon les témoignages de certains consommateurs de cette variété, qui peuvent désormais se procurer davantage de mangues pour le même montant qu’auparavant. Cette abondance inattendue trouve sa source dans un changement majeur . « La cessation des exportations de la mangue Francisque » vers les USA qui constituaient auparavant le principal marché pour une grande partie de cette production.                                                                                          
Avec l’interruption des échanges vers les USA, la part de mangues autrefois destinée à l’exportation s’unit désormais à celle qui était destinée à la consommation locale, créant ainsi une synergie fruitée qui inonde les marchés locaux de ses bienfaits.

Interdiction des exportations de la mangue francisque vers les USA

Au milieu d’une période tumultueuse pour le pays, les nouvelles négatives continuent de s’accumuler. Une annonce récente du département de l’agriculture des États-Unis vient d’aggraver la situation. Dans une lettre adressée à l’Association Nationale des Exportateurs de Mangues (ANEM) le 24 octobre 2022, le département de l’agriculture des USA a informé que les exportations de mangue Francisque vers le marché américain seront suspendues. La raison invoquée est l’incapacité des spécialistes de l’APHIS (Animal and Plant Health Inspection Service) à effectuer les opérations de pré-contrôle de qualité en raison de l’insécurité croissante dans le pays. Donc depuis janvier 2023, Haiti ne peut plus exporter ses mangues vers les USA.

Un déficit commercial préoccupant

La mangue Francisque est l’un des rares produits agricoles exportables qui joue un rôle significatif en termes de volume exportés et de revenus générés. Selon les données de la BRH, les exportations annuelles de mangue Francisque ont rapporté environ 7 millions de dollars américains. Il convient de noter que bien que ces exportations ne se limitent pas au marché américain, la majeure partie était destinée à ce marché. Cette année, on prévoit une diminution des revenus des exportations, ce qui pourrait sans doute entraîner un déficit commercial.

Quel avenir pour la filière ?

Pour certains consommateurs, la disponibilité abondante des mangues sur le marché local est bénéfique car ils peuvent les acheter à un prix bas. Cependant, certaines agro-industries de la filière ne bénéficient pas totalement de cette abondance. En effet, ces agro-industries ne peuvent pas augmenter leur production malgré les prix bas, car elles opèrent à petite échelle et leurs équipements ne leur permettent pas d’augmenter leur capacité de production, témoigne Wenzor Petit-Frère, responsable de la section Marketing à LAFWITRI (une petite entreprise spécialisée dans les fruits séchés).

Il est impératif d’avoir une vision globale de cette situation, en considérant l’ensemble des protagonistes qui tissent la trame de cette filière. Les consommateurs et les entreprises de transformation ne sont que des maillons d’une longue chaîne où les producteurs, les cueilleurs, les exportateurs et plein d’autres acteurs jouent un rôle tout aussi crucial. Donc, il est logique de prévoir une diminution des revenus pour les acteurs impliqués dans la production, la manutention et l’exportation de ce fruit, car près de deux tiers du revenu des exportations de la mangue Francisque provenaient des États-Unis (Donnée MARNDR).    

Incontestablement, il est impossible de se détourner de la réalité et d’interpréter la décision du département agricole des États-Unis comme une décision politique, car la raison évoquée concernant l’insécurité est bien fondée. Désormais, il est important de penser à ces interrogations : Devons-nous attendre le retour à la normale pour la reprise des exportations vers les USA afin d’éviter la perte d’une partie de notre production ainsi que les conséquences négatives que celle-ci peut avoir sur toute la filière ? Et si tel est le cas, dans combien de temps ce retour à la normale ? Si cette situation perdure pendant plusieurs années, comment gérer la part de notre production qui était destinée à l’exportation, notamment pour la commune de Gros-Morne, qui produit 30% mangues pour l’exportation, selon les données du MARNDR ? Ne devrions-nous pas envisager d’autres alternatives pour une meilleure filière ?                                                                
Woodley Stinfil, étudiant finissant en agro-économie

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