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Éditorial – Quand la Presse haïtienne, en excès de pouvoir, peine à remplir sa mission

La Presse haïtienne, principal organe symbolisant la liberté d’expression et l’un des premiers défenseurs des couches les plus défavorisées, a souvent été au cœur de scandales inimaginables. Les journalistes n’en sont pas exempts. Entre pro pouvoir ou proches de l’opposition, les médias sont souvent pointés du doigt. De « machann mikwo » à « jounalis raketè », ou tout au moins, par rapport aux soupçons de connivence avec les gangs, sans compter les manœuvres déloyales pour s’approcher des élites économique et politique, ce secteur, en excès de pouvoir, a failli à sa mission et plonge en chute libre vers sa désacralisation.

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La liberté d’expression, selon ce qu’on peut lire dans le code de déontologie de la Presse, « est l’un des droits fondamentaux de l’homme ; sans elle, l’opinion publique ne peut être informée correctement». Elle est garantie tant par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme que par la Constitution de 1987. Si ce droit devait permettre aux travailleurs de la Presse de s’exprimer librement pour informer le public, le défendre et l’aider à réclamer ses droits, en Haïti, il leur permet, de préférence, de se hisser à un niveau où, à l’aide de leur audience, ils extorquent, manipulent et soudoient les gens. Pour éviter d’être mis à nu, certains sont contraints d’entrer dans cette logique. Et à cela, les élus peuvent grandement en témoigner.

Les médias se multiplient, pourtant, les droits humains sont de plus en plus bafoués. Ils sont accusés soit d’être de mêche avec des gangs armés soit d’être la propriété même de ces bandits sans foi ni loi. D’ailleurs, s’il faut savoir ce que disent les gangs dans le pays, il faut savoir quelle fréquence capter ou à quelle page s’abonner. Les déclarations de « Lanmò san jou», les directs de « Barbecue », les menaces des délinquants de Grand-Ravine tournent en boucle sur les réseaux sociaux, plongeant les citoyens dans une peur sans précédent dans l’objectif de les zombifier.

Et pire encore, des journalistes de renom sont accusés de faire le sale boulot de ces malfrats qui terrorisent la population. Ils sont dans les médias traditionnels, mais ils ont leurs propres médias numériques pour les défendre. On pourrait d’ailleurs, dans ce cas précis, se questionner sur Dr Harrison Ernest ou du moins, s’il faut parler des accointances avec ces criminels, il va falloir se référer à Roberde Céliné, dit Bob C. À ne pas oublier, il est bien sûr l’original, le vrai et l’unique en ce genre. « Allô Fabienne… ».

S’il faut espérer un meilleur demain en Haïti, il y a de quoi se questionner pour savoir par qui et par quoi cela se passera. Quand des journalistes sont dans les poches des parlementaires qui, eux, sont dans les poches de l’Éxecutif et de l’élite économique, il importe de se demander: « Qui contrôle qui? Qui exigera des résultats à qui? Qui s’occupe de quoi? ».

Lorsque les élites font l’objet d’accusation comme quoi ils auraient approvisionné les gangs en matériels (armes et munitions), alors que ces gangs sont en étroite collaboration avec des journalistes qui, à leur tour, sont contrôlés par ces mêmes élites, y-a-t’il moyen d’espérer? Où est le peuple, la masse défavorisée? Où sont les plus démunis dans tout cela? Comment bien traiter un dossier et bien informer le public lorsqu’on est partie prenante dans l’affaire? Où est passée la mission de la Presse? Haïti, parviendra-t-elle réellement à renaître de ses cendres?

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